SEP : comment réagir en cas
d'idées noires

Attention, un sujet tabou... Les idées noires et le risque de suicide en cas de sclérose en plaques, font peur, aux patients comme à leurs proches. Pourtant, en parler réduit le risque de passage à l'acte et permet surtout d'avoir la prise en charge adaptée.

« Les maladies chroniques et la SEP, d'autant plus qu'elle est douloureuse, font partie des facteurs de risque du passage à l'acte suicidaire », confirme le Dr Christophe Debien, chef de service en psychiatrie. « La dernière étude sortie nommée SURVIMUS trouve un taux de suicide identique à la population générale mais c'est en contradiction avec tout ce qui a été fait avant, dans les études américaines et Europe du nord, où le taux de suicide est 3 à 7 fois plus que la population générale. »

Quels signes doivent alarmer ?

Certains signes doivent alarmer les patients, les proches ou les soignants. « Il y a un noyau que l'on retrouve souvent : un effondrement de l'estime de soi, le sentiment d'être bon à rien ou inutile, la culpabilité, en se disant que c'est de sa faute, sont des gros signaux d'alarme », met en garde le Dr Debien. « Il y a le côté 'il faut que ça s'arrête à tout prix', et c'est le à tout prix qui est grave. La phase suivant ces signaux est la cristallisation : il n'y a plus que le suicide comme solution. C'est donc avant qu'il faut agir en faisant de la prévention. »

Un véritable tabou

Les idées noires et le suicide sont un sujet tabou à l'extrême, qui freine la prévention et retarde la prise en charge. « Il y a beaucoup d'idées reçues comme on ne peut rien faire pour moi ou si j'en parle ça favorise le passage à l'acte », confirme le psychiatre. « Or, c'est le contraire, ça empêche de passer à l'acte durant 2 à 3 heures. »

Autre idée reçue fréquente : on ne peut rien faire de toute façon. Ce qui est faux : « La prévention du suicide est l'affaire de tous, accompagnants et soignants. La première pierre angulaire est pour moi le généraliste, celui qui peut se mobiliser rapidement. Pour les patients qui vont à l'hôpital de jour, c'est l'infirmière. C'est à eux qu'il faut en parler, même si le soignant ne pose pas la question. Le patient peut demander à voir un psychologue car le psychiatre fait peur à tout le monde, et il mettra en lien vers un psychiatre s'il y a besoin d'un traitement médical. »

Quelle prise en charge des idées noires ?

La prise en charge repose sur la psychothérapie, incontournable et éventuellement un médicament : « l'antidépresseur est uniquement prescrit quand il y a une dépression ce qui n'est pas forcément le cas pour une tentative de suicide, » précise le psychiatre. « Le médicament va permettre de sortir du ralentissement dû à la dépression mais il ne résout pas les problèmes, par exemple faire le deuil de la relation qui s'est terminée et faire des rencontres pour sortir. Dans tous les cas, il faut toujours une psychothérapie. »

Pour le Dr Debien, la dépression, qu'elle soit secondaire à la sclérose en plaques ou un effet secondaire d'un médicament, est un facteur de risque majeur. « Il y a 50% de risque de faire une dépression en lien avec la SEP, contre 5% quand on n'a pas de SEP3. » Une dépression ne doit donc pas être négligée, les soignants comme les proches doivent être particulièrement attentifs.

D'autres facteurs augmentent le risque d'après le psychiatre : la maladie chronique, la douleur qu'elle soit physique, psychologique ou sociale avec l'isolement, ou encore l'image de la maladie (la maladie en général fait peur mais la maladie avec un potentiel handicap fait encore plus peur et contribue à l'isolement dans la société), les conséquences d'un arrêt de travail avec le sentiment d'être inutile et les répercussions financières quand on est chef de famille. « Un facteur dont on parle peu, c'est la sexualité », ajoute le Dr Debien. « Les soignants doivent poser les choses sur la table et poser des questions car la sexualité a un impact direct sur l'épanouissement personnel et dans le couple ! »

Le suicide est multifactoriel et prend sa source dans les différents pans de la vie, professionnel, personnel, sexuel, social. Les patients et les proches ne doivent pas hésiter à en parler, tandis que les différents soignants doivent s'en préoccuper et questionner les patients pour dépister les facteurs de risque et trouver des façons d'améliorer la situation, avec l'aide d'un psychologue, d'un psychiatre, d'un sexologue, d'une assistante sociale, ou encore d'un réseau SEP en fonction de la problématique.

Pour aller plus loin / Sources

3. Depression in multiple sclerosis. Lebrun-Fresnay. Revue neurologique. Mars 2009.

Publié le : 07/09/2020

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