Sabrina, ou la voix de l'acceptation

Sabrina a mis 6 ans pour accepter le diagnostic de sclérose en plaques. Six longues années où elle traverse tristesse, angoisse et colère et ne reconnaît pas la jeune femme qu'elle est devenue.

Sabrina vous raconte les étapes qui lui ont permis de retrouver sérénité et joie de vivre. Une histoire inspirante et résolument résiliente...

Le diagnostic, un choc

En 2012, Sabrina est une jeune femme dynamique, investie dans sa période de formation et aimant le sport et les voyages. Une femme comme les autres, qui est particulièrement heureuse puisqu'elle se marie 4 mois plus tard... Mais dans un box des Urgences, son avenir s'assombrit brutalement lorsqu'une neurologue lui annonce une sclérose en plaques.

« J'avais mal à la tête ainsi que des douleurs au niveau de l'œil gauche et je suis allée aux Urgences pour être rassurée. Comme l'IRM était en panne, j'ai passé la nuit à l'hôpital avec un téléphone déchargé et sans moyen de contacter mes proches. Après l'IRM, une neurologue froide comme un glaçon, m'a dit : Vous avez une maladie chronique, une sclérose en plaques. Je connaissais de nom puisque la sœur de mon mari en a une et je savais que ce n'était pas un truc « sympa » qui me tombait dessus. J'ai juste souri en disant d'accord tellement j'étais choquée... La neurologue a alors poursuivi : On va commencer les bolus aujourd'hui, vous êtes jeune et je ne veux pas que vous perdiez la vue. Elle était d'une froideur... ». Sabrina rumine dans sa chambre en l'absence de téléphone opérationnel.
Quand son père parvient enfin à la joindre via le téléphone de l'hôpital, elle s'effondre en pleure même si elle sait pouvoir compter sur le soutien de sa famille. « À partir de là, ma vie a changé complètement... », se remémore-t ’elle.

De la déprime à la colère

« À l'époque, je suis passée par toutes les étapes du deuil... Ma période d'essai ayant été interrompue à cause de cette poussée, je me suis retrouvée sans travail et seule avec mon mari qui travaillait toute la journée, dans une ville où nous venions d'emménager (Vesoul), sans amis. Je ne parlais qu'à la pharmacienne que j'allais souvent voir pour mes médicaments. Je tournais en rond et ma déprime a duré 1 an... ».

Sabrina trouve alors un groupe de paroles en anglais qui la sort un peu de sa solitude. Elle postule sans succès à de nombreuses offres d’emploi et elle se sent engluée dans cette vie qui n'est pas celle qu'elle voulait : « j'étais très en colère car je n'acceptais pas et je ne voyais pas ma vie ainsi ! J'étais en pyjama tout le temps, mon mari ne comprenait pas l'état dans lequel j'étais, j'avais des poussées tous les 3 mois, les infirmières ne savaient pas me piquer, même à l'hôpital de jour. J'étais perdue... ».

Mais son instinct de survie reprend le dessus et en décembre, elle impose à son mari d'emménager à Besançon, ville plus dynamique que Vesoul. Elle postule alors à Strasbourg en tant que gestionnaire portefeuilles pour une assurance : « le week-end, je retrouvais mon mari et la semaine, j'étais chez mes parents qui m'ont vraiment chouchoutée et prise en charge, ce que je n'avais pas été lors du diagnostic. Ils m'ont fait un bien fou... Et puis, je suis tombée enceinte et je me suis retrouvée un peu ! Mon mari voyait que j'étais plus épanouie et me retrouvait lui aussi ».

Sombrer pour mieux rebondir

« L'arrivée de ma fille, Aya, en juillet 2014, a donné un sens à ma vie, mais 3 mois après j'ai refait une névrite optique qui a été prise en charge rapidement », poursuit Sabrina, « L’équipe médicale a changé mon traitement de fond qui a très bien fonctionné ». Pourtant, en dépit de l'amour qu'elle porte à sa fille, de son mari et de son métier, elle n'arrive pas à se sentir heureuse : « Je vivais un mal-être, je m'inquiétais de la façon dont j'allais gérer ma fille. Je suis allée voir un médecin en lui disant : J'ai un enfant, j'ai un travail et je ne sais pas pourquoi je ne suis pas heureuse ». Il lui recommande alors un thérapeute et cette thérapie fut le premier pas vers l'acceptation... Elle l'aide à avancer, à retrouver un équilibre aussi bien médical que socio-professionnelle. Mais tout n’était pas réglé pour autant…

« Entre déni et carapace, je n'acceptais pas la SEP »

« Je sortais tout le temps ma fille, nous faisions plein de choses », raconte la jeune femme. « Cela me permettait de me dire que j'étais une maman normale et j'ai commencé un travail à 40 mn de ma ville. C’était épuisant mais j'ai tenu bon car je voulais garder ce poste en CDD. J'arrivais maquillée avec des talons, je faisais les choses à fond, même quand je n'étais pas bien. En revanche, je n'avais plus de temps pour ma fille et je dormais tout le week-end mais j'étais fière de moi de ne rien montrer... Je ne voulais pas qu’on me voit comme une femme malade, je voulais donner envie plutôt que faire pitié.

Je n'acceptais pas la SEP en fait, je voulais que personne ne soit au courant... Entre déni et carapace, je ne sais pas ce que c'était mais cela me protégeait ».

En 2017, un an après, la maladie la rattrape sous la forme d'une poussée et d'un arrêt de travail d'1,5 mois. Cet évènement négatif aidera aussi Sabrina à avancer positivement : « Comme ma responsable était incroyable, je lui ai parlé de ma situation à mon retour et un petit aménagement horaire a été mis en place. Elle a été très compréhensive et très humaine... Cela m'a aidé dans l'acceptation même si je n'ai pas voulu qu'elle en parle aux autres, hormis la N+1 et les Ressources Humaines… ».

Aménager sa vie, parler, compter sur ses proches

Après sa seconde grossesse et un congé parental, Sabrina revoit son médecin du travail pour un nouvel aménagement de l'emploi du temps. À cette époque, elle rencontre aussi une nouvelle collaboratrice, atteinte de SEP et… syndiquée. « Elle m'a permis d'avancer dans mon deuil car elle parlait de sa maladie à tout le monde librement. Nous parlions énormément ensemble de tout. Je continuais mes séances chez le psychologue qui m'a aussi beaucoup aidée. Je me rendais bien compte que, durant les années suivant le diagnostic, j'avais changé et je ne me reconnaissais pas : j'étais envieuse et haineuse...
Alors que certes, j'ai une SEP mais je me donne à fond dans mon métier, j'ai une famille, j'ai une chance et une force folles ! »

D'autres facteurs ont permis à Sabrina d'avancer peu à peu dans l'acceptation : le sport, le soutien de sa famille toujours présente, en particulier ses deux petites sœurs. « Mais ma plus grande force, ce sont mes filles ! » Sabrina a aussi la chance de pouvoir compter sur le soutien de ses parents, et de ses amis, notamment celui de sa meilleure amie. « J'aimerais juste dire aux patients de ne pas négliger l'acceptation », conclut Sabrina. « C'est important d'accepter la maladie, de faire les deuils nécessaires et d'accepter de ne plus être la même ».

« Désormais, je profite du jour présent et je suis positive depuis que j'ai fait mon deuil. J'aime la vie comme personne, je me satisfais de petits plaisirs et c'est très appréciable de bien se rendre compte de la chance que l'on a. J'ai évolué sur le plan humain. La fatigue et les douleurs restent dures à vivre, elles sont d’autant plus frustrantes et culpabilisantes que je suis maman. Cela fait quelques mois que je suis en parfaite cohésion avec mon corps et mon esprit. J'en parle très librement et j'ai l'impression d'avoir enfin accepté. »

S'investir auprès d'autres patients a été un excellent moyen de donner du sens à toutes les épreuves traversées. Sabrina a suivi le conseil de son père médecin : se renseigner sur la maladie et être active vis-à-vis de la SEP pour ne pas la subir. « Je suis assez calée dans la connaissance de la maladie, les traitements et les avancées à présent. Dès que je peux en faire bénéficier aux autres, je leur en parle et je les rassure. Avant je m'en cachais, il aura fallu du temps mais maintenant j'assume, j'accepte et j'aime ce que je vis ! »

Publié le : 20/12/2019

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