Récemment, une patiente me confiait qu’elle voyait son état se dégrader, alors même que l’examen de son neurologue était stable et l’IRM aussi. Un constat qui la perturbait, mais il est tout à fait possible que la perception du patient diffère de celle de son neurologue.
Comment cette différence s’explique-t-elle ? Comment réagir pour mieux faire comprendre la progression de sa maladie ? C’est l’objet de cet article.
Plusieurs éléments interviennent pour expliquer des perceptions différentes.
« L’examen neurologique dure quelques minutes et il n’est pas très fin », estime d’emblée le Dr Bourre, neurologue. « Les consultations sont espacées de quelques mois, parfois un an. »
Beaucoup de choses peuvent se passer entre deux rendez-vous.
Pour évaluer le handicap, les spécialistes utilisent un score appelé EDSS, l ’expanded disability status scale 1 . C’est une façon de mesurer le handicap à partir d’une évaluation de 7 fonctions (schématiquement, la marche, l’équilibre et la coordination, les troubles sensitifs, la vision, les sphincters, les fonctions cognitives, tronc cérébral, pyramidal, cérébelleux, sensoriel, intestin/vessie, cérébral et ambulatoire).
Mais ce score présente des limites 1 : il nécessite du temps, notamment chez les personnes en situation de handicap lourd, personnes atteintes d'un handicap lourd, l'examen clinique peut prendre 30 minutes. Il se focalise sur la marche et évalue peu les atteintes cognitives et les membres supérieurs.
De plus, l’EDSS comptabilise des déficits cumulés à un instant t, ce qui ne reflète pas forcément les restrictions en vie quotidienne.
« Ce score ne montre pas les modifications légères, non visibles en examen ou en IRM », ajoute le Dr Bourre. « L’IRM montre les petites lésions, mais pas la neurodégénérescence ou l’atteinte des substances de support. »
« Lors des évolutions très lentes ou des aggravations très fines, ce sont les déclarations des patients qui priment », analyse le Dr Bourre. « Il peut s’agir par exemple de davantage de fourmillements, un peu plus de trouble de la marche ou de l’équilibre. En tant que neurologues, nous devons écouter le déclaratif des patients et chercher à authentifier les symptômes. »
Même s’il persiste une difficulté majeure : certains patients ont tendance à minimiser leurs symptômes ou les exacerbent, en fonction de leur tempérament ou de leur état émotionnel, parce qu’ils ne vont pas bien moralement, etc.
« Il ne faut pas hésiter à en parler si le patient a l’impression qu’il y a une aggravation ou une progression », recommande le Dr Bourre.
C’est indispensable pour que le neurologue évalue les troubles et puisse proposer des adaptations (comme celle du poste de travail, la remédiation cognitive, une consultation en centre de la douleur pour avoir accès aux traitements médicamenteux et non médicamenteux ou encore l’activité physique adaptée).
Avant la consultation, il est aussi possible de vous aider de questionnaires d’auto-évaluation, qui serviront de points de départ à la discussion avec le médecin. Vous en trouverez sur la sexualité, la fatigue et la qualité de vie (très complet).
Le concept de Patient-reported outcome (PRO)2 (littéralement « résultats rapportés par les patients ») est également intéressant, puisqu’il s’agit d’informations directement rapportées par les patients. Il se complète des Patient-Reported Outcomes Measures (PROMs), qui correspondent aux instruments ou outils permettant de quantifier ces résultats rapportés par les patients (PRO) (comme une appli évaluant le nombre de pas par exemple).
Leur objectif est de vous aider à évaluer votre handicap dans votre vie quotidienne et à l’objectiver auprès du neurologue.
Autres suggestions du Dr Bourre : pour les troubles moteurs comme les faiblesses musculaires, le patient peut montrer les résultats en baisse d’une appli d’objets connectés (avec un suivi du nombre de pas par jour). Ils permettent d’illustrer les propos du patient.
« Il faut en parler à un autre professionnel de santé ou se tourner vers un réseau de soins, vers une infirmière spécialisée ou de pratique avancée », estime le Dr Bourre. « Si le patient a l’impression que le neurologue ne prend pas le temps ou s’il est dépassé, il peut faire appel à un autre avis. Cela offre un autre regard, une autre écoute. »
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240617144613TD - 09/2024