Susceptibilité génétique à la sclérose en plaques : les connaissances actuelles

La sclérose en plaques n’est pas une maladie héréditaire. Mais les recherches en génétique montrent qu’il existe, à l’échelle des populations, des variants de certaines régions du génome qui sont associés à une légère augmentation du risque de survenue de la maladie. Cette susceptibilité génétique n’est toutefois ni nécessaire ni suffisante pour prédire l’apparition de la maladie. Par ailleurs, les connaissances actuelles ne permettent pas de fonder une décision clinique sur la seule analyse génétique. Le point sur la génétique de la SEP avec le Pr Pierre-Antoine Gourraud, du CHU de Nantes.

Génétique et SEP, de quoi parle-t-on ?

La sclérose en plaques n’est pas une maladie héréditaire au sens où elle n’est pas transmise aux enfants directement par leurs parents, comme cela peut être le cas pour d’autres pathologies. Pour la SEP, dont la cause reste à ce jour inconnue, il n’y a pas de transmission d’un gène « défectueux », comme par exemple pour la mucoviscidose.

Cependant, il existe des familles où la sclérose en plaques apparaît être plus fréquente que la moyenne. Ainsi, pour environ un malade sur huit, il est retrouvé des antécédents familiaux de la SEP, c’est-à-dire des cas de la maladie chez d’autres membres de leur famille. Cela plaide en faveur d’un terrain génétique favorable à l’apparition de la sclérose en plaques ; on parle de « susceptibilité génétique ». Depuis 1972, de nombreuses recherches se sont succédées pour tenter d’identifier des gènes associés à cette susceptibilité.

Pour cela, il est nécessaire d’étudier le génome, c’est-à-dire l’ensemble des informations génétiques contenues dans chacune des cellules humaines et dont le support est l’ADN. « Nous procédons par comparaisons, explique le Pr Pierre-Antoine Gourraud. Nous prenons une population de patients atteints d’une SEP et un groupe équivalent de personnes non malades. En comparant leur génome, nous cherchons à déterminer s’il existe des différences significatives. »

Les susceptibilités génétiques associées à la SEP aujourd’hui connues

Les recherches menées ont conduit dans un premier temps à identifier une région du génome au sein de laquelle certaines variations (ce que l’on appelle des allèles) sont associées à un risque accru de survenue de la SEP. Cette région est située au niveau du système HLA (antigènes leucocytaires humains) qui, au sein du système immunitaire, permet de reconnaître ce qui fait partie de l’organisme et ce qui lui est étranger (2). « En présence de différents variants identifiés de cette région, la probabilité de survenue de la sclérose en plaques est augmentée d’un facteur 2,4, indique le Pr Pierre-Antoine Gourraud. Cela signifie que, si l’on considère que le risque moyen de survenue de la SEP était de 1 pour mille, ce risque passe à 2,4 pour mille chez les personnes qui portent ces allèles dans leur génome. C’est donc une augmentation très minime. Le risque global reste très faible, avec beaucoup d’incertitudes. »

L’identification des variants du système HLA associés à la SEP date de 1972. Pendant 25 ans, aucune nouvelle région n’a été découverte avec certitude. La raison ? Les techniques d’analyses du génome et les outils informatiques étaient insuffisants pour permettre d’isoler de nouvelles corrélations génétiques avec la sclérose en plaques. L’arrivée dans les années 2000 des techniques de séquençage à haut débit a permis un véritable bond en avant en ouvrant la possibilité d’analyser rapidement et à moindre coût le génome dans sa globalité. Depuis, les découvertes de nouveaux variants génétiques associés à la SEP se succèdent.

Les principales recherches sont menées par un consortium qui réunit depuis 2007 des équipes de chercheurs du monde entier, l’International Multiple Sclerosis Genetics Consortium (consortium international de la génétique de la sclérose en plaques), dont le Pr Gourraud est le représentant français. Tous les deux ans, le consortium publie un état des lieux des connaissances acquises. Le dernier en date l’a été en 2019 (2). Il porte sur l’analyse du génome de plus de 47 400 patients atteints d’une SEP et de près de 68 400 personnes non malades.

À l’heure actuelle, plus de 200 variations de régions du génome ont été identifiées comme étant statistiquement associés à un risque accru de survenue de la SEP (2). « L’augmentation du risque pour ces régions est extrêmement faible, de l’ordre d’un facteur 1,1, précise le Pr Pierre-Antoine Gourraud. Mais à l’échelle de la population, les corrélations sont statistiquement significatives ».

Quels rôles jouent les susceptibilités génétiques dans la survenue de la SEP ?

La plupart des variations du génome identifiées jusqu’à présent comme constituant une susceptibilité génétique à la sclérose en plaques sont en rapport avec le système immunitaire et le système nerveux central (2). « Ce n’est guère étonnant dans la mesure où la SEP est une maladie auto-immune du système nerveux central », déclare le Pr Gourraud.

Comment ces susceptibilités interviennent dans la survenue de la maladie ? « On ne le sait pas encore réellement. Les recherches menées jusqu’à présent permettent juste de dire que les variations identifiées sont impliquées. Mais on ne connaît pas leur rôle exact. En revanche, il est clairement établi que ces susceptibilités génétiques ne sont ni nécessaires ni suffisantes. En d’autres termes, une personne peut présenter tout ou partie de ces susceptibilités génétiques et ne jamais développer une SEP. À l’inverse, une autre personne peut n’avoir aucune des susceptibilités génétiques connues et être touchée par cette maladie. »

« Ce qu’il faut bien comprendre, poursuit le Pr Gourraud, c’est qu’il n’existe pas de déterminisme génétique pour la sclérose en plaques. Avec cette maladie, il ne s’agit pas de mutations génétiques qui la provoquent directement. Les variations génétiques identifiées pour la SEP sont aussi communes que celles qui font les individus ont des cheveux blonds ou bruns. On sait simplement qu’elles modulent le risque de survenue de la maladie. »

Le Pr Gourraud parle ainsi de « paradoxe génétique » des recherches sur la sclérose en plaques : « Nous avons appris énormément ces 15 dernières années sur la génétique de la SEP à l’échelle des populations, mais nous n’en déduisons pas grand-chose à l’échelle individuelle ».

Autrement dit, les connaissances actuelles sur la génétique de la sclérose en plaques n’ont jusqu’à présent pas d’application pratique pour une personne donnée. « Nous ne pouvons pas aujourd’hui, à partir de la génétique, dire si un individu va ou pas un jour développer la SEP, conclut le Pr Gourraud. Ce qui est frappant avec cette maladie, c’est son extrême variabilité génétique. Certains patients ont tous les marqueurs génétiques connus, d’autres aucun. Par conséquent, nous sommes encore loin de tout savoir et comprendre. »

Sources bibliographiques

  1. Dobson R, Giovannoni G. Multiple sclerosis – a review. Eur K neurol. 2019 Jan;26(1):27-40. Doi:10.1111/ene.13819.Epub 2018 Nov 18.PMID: 30300457.
  2. International Multiple Sclerosis Genetics Consortium. Multiple sclerosis genomic map implicates peripheral immune cells and microglia in susceptibility. Science. 2019 Sep 27;365(6460):eaav7188. doi: 10.1126/science.aav7188. PMID: 31604244; PMCID: PMC7241648.

Publié le : 10/02/2021

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