COMPRENDRE LA BALANCE
BÉNÉFICES / RISQUES

Tout acte médical, qu’il s’agisse d’un soin, d’un traitement, d’un examen ou d’une opération chirurgicale, vise à apporter un ou des bénéfices à la personne à laquelle il est proposé. Mais cet acte peut aussi comporter des risques plus ou moins importants pour cette même personne. Avant de proposer un traitement, le médecin évalue ainsi la balance bénéfices/risques pour son patient. Ce dernier doit lui aussi l’évaluer pour lui-même avant de prendre une décision. Il est donc important de comprendre ce qu’est la balance bénéfices/risques. Explications avec le Dr Jérôme Roméro, neurologue au Centre d’exploration neurologique de la Clinique Saint-Jean à Cagnes-sur-Mer.

Bénéfices et risques : de quoi parle-t-on ?

Prendre un traitement, passer un examen, recevoir un soin n’est jamais totalement anodin. Un ou des bénéfices sont attendus, mais des risques sont toujours possibles 1. Il importe donc de savoir, dans un premier temps, de quoi il s’agit.

Les bénéfices

Un bénéfice se rapporte à ce qui constitue une amélioration concrète pour un patient1. Dans le cas de la sclérose en plaques, le bénéfice attendu d’un traitement de fond, par exemple, est d’empêcher la survenue de poussées et, à plus long terme, d’éviter le handicap. Plus globalement, les bénéfices escomptés de la prise en charge d’un malade atteint de SEP, au travers de divers traitements et soins, est d’agir sur l’évolution de la maladie et d’améliorer la qualité de vie au quotidien.

Un bénéfice est toujours attendu, sinon le traitement ou le soin ne serait pas proposé par le médecin. Cela ne signifie pas pour autant que ce bénéfice va forcément advenir ou qu’il apportera l’amélioration escomptée ; il peut varier d’une personne à une autre1.

Les risques

Un risque concerne ce qu’un acte médical peut apporter de néfaste pour le patient. Il s’agit notamment des effets indésirables d’un médicament, d’un traitement, d’un soin ou d’un examen. Mais il s’agit également de tous les inconvénients ou contraintes que ce médicament, ce traitement, ce soin ou cet examen peut entraîner. Par exemple, la prise d’un médicament peut nécessiter de devoir faire très régulièrement des examens sanguins ou impose de respecter des précautions alimentaires1.

Dans la langue française, le terme risque est associé à un caractère potentiel, voire hypothétique. Cela tend à faire penser que les risques ne seraient qu’occasionnels. En réalité, les inconvénients d’un traitement peuvent être systématiques et concerner tous les patients qui le prennent1.

Les risques d’un acte médical peuvent être variables d’une personne à une autre, en fonction de la situation de leur maladie, de leur état de santé global, de leur âge, de leurs priorités et de leur situation de vie. Par exemple, les personnes qui ont une insuffisance rénale ont davantage de risque de survenue d’effets indésirables si elles prennent un médicament éliminés par les reins. De même, les risques d’un traitement peuvent être différents pour une femme selon qu’elle soit enceinte ou pas.

La balance bénéfices/risques

Comme son nom l’indique, la balance bénéfices/risques consiste à mettre en balance d’un côté les bénéfices escomptés et de l’autre les risques connus et/ou attendus d’un traitement, d’un soin ou d’un examen. Pour que ce dernier soit envisagé, il est nécessaire que la balance penche en faveur du ou des bénéfices.

L’expression souvent utilisée de « rapport bénéfices/risques » est inappropriée. Elle laisse entendre qu’elle pourrait se réduire à un rapport mathématique immuable et équivalent chez tous les patients. Il n’en est rien. La balance bénéfices/risques repose en effet sur des données de la science. Mais celles-ci, même quand elles sont solides, comportent une part d’incertitude. Par ailleurs, la balance bénéfices/risques doit être envisagée également de façon individuelle, en fonction de chaque patient et de sa situation personnelle. Enfin, l’évaluation de la balance bénéfices/risques peut comporter une part de subjectivité, en fonction des croyances, des valeurs, des objectifs et de l’histoire de vie de chaque patient, mais aussi de celles du médecin1.

La balance bénéfices/risques repose donc sur un ensemble d’éléments qui doivent être pris en compte tant par le médecin que par le patient, dans le cadre d’un dialogue nécessaire à une décision véritablement partagée.

De plus, cette balance est susceptible d’évoluer, en fonction de l’évolution des connaissances scientifiques mais aussi de l’évolution de la situation du patient. Elle doit donc être régulièrement réévaluée1.

Du côté du médecin

Pour le médecin, l’évaluation de la balance bénéfices/risques repose en premier lieu sur les connaissances scientifiques obtenues notamment lors d’études cliniques réalisées auprès d’un échantillon de patients. Elle nécessite ensuite qu’il tienne compte de la situation particulière de chaque patient.

Les données scientifiques au niveau collectif

Avant qu’un traitement ne soit autorisé à être mis sur le marché et prescrit, il fait l’objet d’une évaluation complète. Celle-ci repose en grande partie sur des études cliniques. Une étude clinique est une démarche scientifique visant à déterminer quels bénéfices et quels effets indésirables sont associés à l’administration d’un nouveau traitement, le plus souvent en comparaison avec un traitement de référence. L’étude est réalisée avec la participation de patients qui sont sélectionnés et inclus — s’ils ont donné leur consentement après avoir reçu toutes les informations nécessaires — selon des critères précis. Le suivi de ces patients, pendant et après leur traitement, permet de mesurer l’efficacité obtenue, ainsi que les effets indésirables les plus fréquents. Il est ainsi possible de savoir si le nouveau traitement peut apporter un bénéfice contre une maladie tout en n’exposant pas à des effets indésirables et des contraintes trop importantes.

La prise en compte des résultats des études cliniques fondent ce que l’on appelle la médecine par les preuves (evidence-based medicine en anglais). C’est sur la base de ces résultats, ainsi que des recommandations d’utilisation et d’indication émises par les autorités de santé et les sociétés savantes, que le médecin détermine quel traitement paraît le plus approprié pour un patient donné1.

Cependant, il faut savoir que les résultats des essais ne répondent pas nécessairement à toutes les questions et qu’ils ne sont pas forcément adaptés à la situation de tous les patients atteints d’une même maladie. Les critères de sélection des patients inclus dans les études ne sont pas toujours représentatifs de l’ensemble des malades ; les plus fragiles et/ou les plus âgés ne participent ainsi généralement pas aux études.

Par ailleurs, l’efficacité d’un traitement observée dans une étude est une probabilité. Il est très rare qu’un nouveau traitement soit totalement efficace chez 100 % des patients. Même si une étude montre qu’un médicament est efficace chez 80 % des malades (ce qui est en soi un niveau élevé d’efficacité), cela signifie qu’il ne l’est pas ou peu chez les 20 % restants1.

Enfin, les études sont menées sur des échantillons de patients. Même si le nombre de participants est dans certain cas très important (allant jusqu’à plusieurs milliers de malades) et que ceux-ci sont suivis pendant plusieurs années, ces études ne permettent de détecter que les effets indésirables les plus fréquents. Bien souvent, les effets indésirables les plus rares sont identifiés après la mise sur le marché d’un médicament, une fois qu’il a été utilisé chez une très grand nombre de malades.

Cela signifie que même quand les preuves apportées par les études cliniques quant aux bénéfices et aux risques d’un traitement sont très solides, il reste une part d’incertitude vis-à-vis de la balance bénéfices/risques.

De plus, le médecin ne peut totalement s’affranchir d’une part de subjectivité. « Si par exemple un de mes patients a présenté un effet indésirable grave avec un médicament, je vais avoir tendance à me souvenir de cette mauvaise expérience lorsque je vais envisager de prescrire le même médicament à d’autres patients », explique ainsi le Dr Roméro.

Une adaptation pour chaque patient

Dans l’évaluation de la balance bénéfices/risques d’un traitement ou d’un soin, le médecin doit prendre en considération différents paramètres propres à son patient :

  • La situation de sa maladie et son évolution probable ;
  • Ses antécédents médicaux ;
  • Ses autres problèmes de santé éventuels ;
  • Les autres traitements éventuels qu’il prend, avec les risques d’interactions médicamenteuses afférents possible.

Le médecin doit aussi tenir compte des objectifs, des priorités et des ressentis du patient. Ceux-ci diffèrent d’une personne à une autre, et selon les moments 1. Un malade peut, par exemple, préférer ne prendre aucun risque par rapport à un traitement récent dont les effets indésirables à long terme ne sont pas encore bien connus, quitte à prendre un traitement considéré comme moins efficace mais plus sûr. À l’inverse, un autre malade peut tout à fait envisager de prendre un traitement susceptible de lui apporter une amélioration très sensible de son état de santé, même si ce traitement entraîne un risque de survenu d’un effet indésirable.

Pour le médecin, l’évaluation de la balance bénéfices/risques peut donc être parfois compliquée lorsqu’il propose un nouveau traitement à l’un de ses patients.

Du côté du patient

La question de la balance bénéfices/risques se pose également du côté du patient puisque, in fine, c’est lui qui doit prendre la décision d’accepter ou de refuser le traitement qui lui est proposé. S’il l’accepte, c’est lui aussi qui va prendre ce traitement et donc encourir de possibles risques.

La décision revient au patient

Lorsqu’une personne consulte un médecin, c’est pour obtenir de lui un avis d’expert et connaître les solutions possibles face à un problème de santé. Le travail du médecin consiste donc à diagnostiquer et évaluer la pathologie présentée par le patient, puis à lui proposer les modalités de prise en charge les plus appropriées.

Depuis la loi de mars 2002 sur les droits des malades, le Code de la santé publique indique, dans son article L1111-4, les modalités de prise de décision concernant la santé :

  • « Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé.
  • Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement.
  • Le médecin a l'obligation de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité.
  • Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. »2

En d’autres termes, c’est au patient qu’il revient de décider en fonction de ce que lui suggère et lui recommande son médecin.

Prendre le temps de la réflexion

Quand le médecin propose un traitement banal pour un problème de santé lui aussi banal, la décision peut être prise rapidement, quasiment dans l’instant. S’il s’agit en revanche du traitement d’une maladie sérieuse comme la sclérose en plaques, traitement qui peut apporter des bénéfices importants mais également avoir des effets indésirables potentiellement graves et/ou avec un retentissement sur la qualité de vie, il en va tout autrement. Dans ce dernier cas, et sauf s’il s’agit d’une situation d’urgence, il convient de prendre le temps de la réflexion. « En général, dans ce type de situation, je procède en deux étapes, explique le Dr Roméro. Au cours d’une première consultation, je fais le point de la situation médicale du patient et je lui présente le ou les traitements possibles. C’est uniquement lors d’une seconde consultation que je demande au patient de me faire part de sa décision. Ainsi, il a le temps de peser le pour et le contre, de se déterminer. »

Lors de ce temps de réflexion, il est conseillé de passer en revue tous les éléments d’informations délivrés par le médecin. Si nécessaire, il peut être bon d’en discuter avec ses proches, voire un autre médecin.

Ce travail de réflexion nécessite aussi de « mettre dans la balance » ses priorités, ses objectifs et ses conditions de vie.

Déterminer ce qui est important pour soi

Pour un patient, l’évaluation de la balance bénéfices/risques n’est pas uniquement médicale. Bien entendu, quand on est malade, tout le monde souhaite bénéficier d’un traitement efficace et voir son état de santé s’améliorer. La question se pose surtout par rapport aux risques potentiels. Chacun réagit différemment face au risque.

« Le rapport au risque est une question de ressenti et il est très individuel, indique le Dr Roméro. Personnellement, j’adore faire du saut à l’élastique et je ne trouve pas que ce soit une pratique dangeureuse. En revanche, j’ai une peur phobique du cheval et faire de l’équitation me paraît particulièrement risqué. Avec les traitements, c’est un peu la même chose. Pour certains patients, un effet indésirable potentiellement grave ne constitue pas un risque important au regard du bénéfice qu’ils attendent, alors que d’autres ne peuvent envisager d’être exposé au même effet indésirable. »

Tout dépend également du type d’effet indésirable susceptible de survenir. Si vous avez ressenti un quelconque effet indésirable, parlez-en à votre médecin ou votre pharmacien. Ceci s’applique aussi à tout effet indésirable qui ne serait pas mentionné dans la notice. Vous pouvez également déclarer les effets indésirables directement via l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm), et du réseau des centres régionaux de pharmacovigilance. Un traitement qui peut, par exemple, entraîner des atteintes des nerfs périphériques, avec des fourmillements et une perte du toucher au niveau des mains, ne sera pas perçu tout à fait de la même manière par un musicien et une personne qui n’a jamais touché un instrument de sa vie1.

Il convient par ailleurs de tenir compte de ses objectifs de vie et de ses priorités. Pour une personne, par exemple, prendre un traitement plusieurs fois par jour, avec des contrôles sanguins très réguliers, peut être trop contraignant. Une autre peut ne pas supporter d’avoir des troubles digestifs. Alors que pour un autre malade, sans être évidemment agréables, ces effets indésirables n’auront que peu d’importance s’il pense que le même médicament lui sera bénéfique.

L’importance du dialogue avec le médecin

Il est donc essentiel pour un patient auquel un traitement est proposé de parler franchement avec son médecin et de lui faire part de ce qui est important pour lui par rapport à son état de santé et à sa vie en général. C’est ainsi que le médecin, en retour, sera en mesure de réévaluer la balance bénéfices/risques du traitement qu’il envisage et de déterminer si ce traitement est toujours le plus adapté pour son patient.

En conclusion, c’est le dialogue entre le médecin et le patient qui fera que la décision sera au final véritablement partagée en fonction de la balance bénéfices/risques déterminée par chacun d’entre eux.

Sources bibliographiques

1. Site de la HAS, guide "patient et professionnels de santé : décider ensemble.
2. Code de la santé publique, article L1111-4.

Publié le : 30/09/2019 - Mis à jour le : 03/10/2019

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