SEP ET TROUBLES SEXUELS
CHEZ LES FEMMES

La sclérose en plaques (SEP) est susceptible d’entraîner différents types de troubles affectant la vie sexuelle des femmes.

Les troubles sexuels peuvent être liés à la maladie, ainsi qu’à ses conséquences physiques et psychologiques. Ils ne sont toutefois pas une fatalité car il existe des solutions. Il est ainsi possible de conserver ou retrouver une vie sexuelle satisfaisante avec la maladie. Le plus important, dans un premier temps, est d’en parler avec son médecin, tout en privilégiant le dialogue avec son ou sa partenaire.

Le point sur ces troubles avec le Dr Alexia Even, médecin de Médecine Physique et Réadaptation du service de Neuro-urologie-sexologie de l’Hôpital Raymond-Poincaré à Garches.

Les troubles sexuels sont-ils fréquents ?

La vie sexuelle des femmes vivant avec une SEP est souvent affectée par la maladie. Selon différentes études, entre 34 % et 85 %1 des femmes atteintes d’une SEP déclarent éprouver au moins un trouble concernant leur sexualité. Les variations observées de proportion des troubles sexuels dans ces études sont certainement liées au fait que les outils d’évaluation utilisés ne sont pas toujours les mêmes et à des différences entre les groupes de femmes suivis2. Dans tous les cas, il est admis que les troubles sexuels sont plus fréquents chez les femmes diagnostiquées avec une SEP que dans la population féminine générale1.

Les troubles de la sexualité peuvent avoir un retentissement important sur la qualité de vie, le bien-être physique et psychologique3. Ils peuvent également nuire aux relations au sein du couple. Pourtant peu de femmes concernées en parlent avec leur neurologue ou leur médecin traitant.

Selon plusieurs études, seules 2 % à 6 % des patientes abordent ces questions avec les professionnels de santé qu’elles consultent2. De fait, les troubles sexuels au cours de la SEP sont souvent ignorés et peu pris en charge.

Quels sont les principaux troubles sexuels féminins associés à la SEP ?

La sexualité, notamment féminine, est un comportement complexe mettant en jeu des dimensions à la fois physiologique, psychologique, culturelle et sociale. Les troubles sexuels sont ainsi souvent multifactoriels, relevant de plusieurs causes intriquées et qui s’influencent mutuellement.

Pour simplifier la perception des troubles sexuels associés à la SEP, les médecins ont l’habitude de les distinguer en troubles dits primaires, secondaires et tertiaires2.

  • Les troubles sexuels « primaires »1,2,3

Les troubles « primaires » de la sexualité sont liés principalement aux atteintes neurologiques caractéristiques de la maladie. Les lésions démyélinisantes au niveau du cerveau et de la moelle épinière peuvent en effet altérer l’organisation et le contrôle très complexe des réponses sexuelles. La maladie est également susceptible de modifier la sécrétion des hormones sexuelles.

Chez les femmes, ces troubles se caractérisent notamment par une diminution de la lubrification vaginale, une moindre sensibilité génitale, des difficultés à atteindre l’orgasme et une baisse du désir sexuel (la libido).

Les atteintes neurologiques peuvent aussi, mais c’est beaucoup plus rare, avoir l’effet inverse. Il a ainsi été décrit le cas d’une femme qui connaissait des périodes de désir accru et d’hypersensibilité du corps entier lors des poussées de sa SEP.

  • Les troubles sexuels « secondaires »1,2,3

Ces troubles sont dus essentiellement aux conséquences des handicaps et des symptômes induits par la maladie. La fatigue, les douleurs, la réduction de la mobilité, la faiblesse musculaires, la spasticité, les fuites urinaires ou anales, et les troubles cognitifs notamment peuvent en effet retentir sur la libido et la capacité à avoir des relations sexuelles complètes et satisfaisantes.

Par ailleurs, certains médicaments prescrits contre la SEP et/ou ses symptômes induisent des effets indésirables susceptibles de retentir sur la sexualité. C’est le cas en particulier d’antidépresseurs qui peuvent diminuer la libido et rendent les orgasmes plus difficiles à obtenir.

  • Les troubles sexuels « tertiaires »1,2,3

Ces troubles se rapportent à toutes les répercussions psychologiques et relationnelles de la maladie. Les émotions ressenties (l’anxiété, le stress, la colère, etc.) et les troubles de l’humeur sont peu propices à l’épanouissement sexuel. De même, les handicaps et les symptômes entraînent une altération de l’image du corps, conduisant à une moindre estime de soi et à une perte de confiance dans la capacité de séduction.

La maladie peut également impacter la relation de couple et rendre plus compliquée la communication entre les deux partenaires. La complicité nécessaire à la sexualité devient alors plus difficile à établir.

À quel moment de la maladie les troubles sexuels surviennent-ils le plus souvent ?

La sclérose en plaques est une maladie dont l’évolution est très variable d’une personne à une autre. Il en va de même en ce qui concerne la survenue des troubles sexuels.

Ces troubles sont en effet susceptibles de se produire à n’importe quel moment au cours de l’évolution de la SEP. Ils peuvent ainsi survenir dès le début de la maladie, voire en être les premiers symptômes. Dans la plupart des cas cependant, ces troubles apparaissent plusieurs années après le diagnostic, alors qu’un certain nombre de poussées se sont déjà produites ou que la SEP est devenue évolutive3.

L’âge au moment où sont survenus les premiers signes de la maladie n’a en revanche pas d’influence sur l’apparition des troubles sexuels1.

Il faut enfin savoir que les troubles sexuels peuvent régresser, quand par exemple ils se sont produits à l’occasion d’une poussée3.

Comment améliorer sa vie sexuelle ?

Les troubles de la sexualité lorsque l’on est atteint d’une SEP ne sont pas une fatalité absolue à laquelle il faudrait se résigner sans rien faire. Bien au contraire. Il existe en effet des solutions « pratiques » contre certains troubles. D’autres peuvent faire l’objet d’une prise en charge médicale et/ou psychologique.

Conserver ou retrouver une sexualité satisfaisante est ainsi possible.

  • En parler à son médecin

La première – et peut-être la plus importante – des choses à faire est d’en parler à votre neurologue, votre médecin traitant ou votre médecin de Médecine Physique et Réadaptation. Certes, il n’est pas forcément évident d’évoquer avec un médecin sa sexualité et les difficultés rencontrées. Cela suppose une relation de confiance déjà bien établie avec elle ou lui.

Par ailleurs, vous pouvez penser qu’une consultation médicale doit avant tout porter sur la SEP elle-même, les « à-côtés » étant accessoires. Mais, vous n’êtes pas qu’une maladie. Vous êtes une femme qui vit, qui aime, qui veut continuer de profiter des plaisirs de la vie, même si c’est d’une façon différente. Préserver du mieux possible votre qualité de vie fait partie de la prise en charge médicale. Par conséquent, parler de ses difficultés et de ses troubles, y compris sexuels, est tout à fait légitime.

Votre médecin sait que les troubles sexuels sont fréquents chez les femmes qui sont atteintes d’une SEP. Mais si vous ne les évoquez pas, il peut penser que cela ne vous concerne pas. De plus, il peut être aussi un peu compliqué pour votre médecin d’aborder les questions de sexualité. Si vous faites le « premier pas », le dialogue s’instaurera d’autant plus facilement. Votre médecin sera alors en mesure de vous proposer des solutions.

Enfin, parler est libérateur. Le « simple » fait de dire, d’expliquer, de faire part de ses ressentis, et d’avoir le sentiment d’être entendue et comprise fait en soi du bien.

  • L’évaluation de vos troubles

En règle générale, votre médecin vous demande de décrire les difficultés ou troubles que vous ressentez. Il vous pose des questions, vous demande des précisions. Il peut aussi vous interroger sur la qualité de votre relation avec votre partenaire.

S’il l’estime nécessaire, il vous demande de répondre à un questionnaire papier3. Il existe en effet différents questionnaires conçus pour évaluer les troubles de la sexualité chez les personnes atteintes d’une SEP.

Le plus souvent, des examens complémentaires ne sont pas nécessaires.

À l’issue de l’évaluation, votre médecin est en mesure de vous proposer des solutions ou de vous adresser à un médecin spécialisé dans ce type de prise en charge. Les solutions proposées reposent sur des conseils pratiques, des mesures médicales et, éventuellement l’orientation vers d’autres professionnels de santé, un psychologue ou un sexologue par exemple.

  • La communication avec son partenaire

Tout comme il est important de parler de ses troubles sexuels avec son médecin, il est tout aussi essentiel de dialoguer sur ces questions avec votre partenaire. Il ou elle est aussi concerné(e) !

Partager ensemble vos ressentis, vos difficultés respectives constitue la meilleure des manières de trouver des solutions et de préserver, voire de renforcer votre relation. à l’inverse, le silence et les non-dits qui l’accompagnent ne font que figer les problèmes rencontrés.

Votre partenaire peut être également associé à la démarche de dialogue et de prise en charge de vos troubles avec votre neurologue, votre médecin traitant ou tout autre professionnel de santé que vous consultez pour cela. La sexualité se construit et, si nécessaire, se « répare » à deux !

Les solutions possibles en fonction des principaux troubles sexuels

  • En cas de sécheresse vaginale

L’utilisation d’une crème lubrifiante au moment des rapports sexuels est tout d’abord conseillée3.

Si cette solution n’est pas satisfaisante, un traitement hormonal à base d’estrogène peut vous être prescrit. Il peut s’agir d’un gel, d’une crème ou d’ovules à appliquer localement. Mais ce peut être aussi un médicament pris par voie orale1.

  • En cas de moindre sensibilité génitale

Il est alors conseillé de favoriser les stimulations manuelles et orales de la part de votre partenaire au niveau des autres zones érogènes.

Le recours à des sex toys est également une possibilité pour améliorer la qualité des sensations.

  • En cas d’hypersensibilité et/ou de douleurs

Votre médecin peut vous prescrire des médicaments antalgiques spécifiques3. Ils permettent d’atténuer ou supprimer les sensations désagréables et les douleurs.

Il faut également s’assurer que la lubrification vaginale est suffisante.

  • En cas de difficultés à atteindre l’orgasme

L’usage de sex toys pour stimuler le clitoris ou en endovaginal est une solution possible. Cela peut permettre de parvenir à obtenir plus facilement un orgasme.

  • En cas d’incontinence urinaire

Il est indispensable de consulter un médecin spécialiste afin de bénéficier d’une prise en charge adaptée. Ce peut être notamment un médecin de Médecine Physique et Réadaptation2.

  • En cas d’altération de la mobilité et/ou de spasticité

Il importe d’être dans une situation confortable pour le corps lors des rapports sexuels. Si une position ne vous convient pas, vous est pénible, voire douloureuse, inutile d’insister. Pensez à utiliser des coussins ou et des oreillers pour que votre corps soit le mieux installé possible1.

Un massage préalable est un bon moyen de détendre les muscles (mais également de faire le vide dans sa tête !)2. Vous pouvez le suggérer à votre partenaire. Il existe également des médicaments décontractants que votre médecin peut vous prescrire.

  • En cas de fatigue

Un état de fatigue important n’est pas propice à des rapports sexuels satisfaisants. En fonction de vos activités, repérez les moments où vous avez tendance à être fatiguée et ceux où vous ne l’êtes pas ou moins ; choisissez les seconds, bien entendu.

Il est possible de « programmer » vos activités sexuelles. Cela permet de bien s’y préparer physiquement et mentalement. Il suffit pour cela d’en parler avec votre partenaire et de fixer ensemble vos petits rendez-vous intimes1.

Faire l’amour le matin, plutôt que le soir, peut être un bon moyen d’éviter l’impact négatif de la fatigue2.

  • En cas d’effets indésirables de médicaments

Certains antidépresseurs sont connus pour entraîner une baisse de la libido et des difficultés à atteindre l’orgasme. Si vous prenez un tel médicament et que vous éprouvez ces troubles, n’hésitez pas à en parler à votre neurologue ou votre médecin traitant.

D’autres médicaments peuvent également s’accompagner d’effets indésirables susceptibles de favoriser les troubles sexuels. C’est le cas par exemple des anticholinergiques prescrits contre l’incontinence, qui peuvent favoriser la sécheresse vaginale.

Votre médecin est le mieux placé pour évaluer, en fonction de vos traitements, ceux susceptibles d’induire des effets indésirables ayant un impact sur la sexualité et, le cas échéant, de modifier ses prescriptions.

  • En cas de difficultés dans le couple

Il est évident qu’une bonne entente au sein d’un couple favorise l’épanouissement sexuel. Cependant, avec le poids de la maladie, cette entente peut se fissurer. Il est alors indispensable de faire en sorte de « recoller les morceaux »1.

Pour cela, rien de mieux que la communication et le dialogue. S’exprimer, faire part de ses sentiments, de ses émotions, mais aussi de ses attentes et de ses besoins est essentiel. à condition d’en faire autant vis-à-vis de son ou de sa partenaire.

Parfois, cela ne suffit pas à retrouver un terrain d’entente satisfaisant pour l’une et l’autre. Votre médecin peut alors vous orienter vers un psychologue ou un sexologue. Il a en effet été montré que les approches psychothérapeutiques peuvent améliorer de manière significative la communication, l’épanouissement au sein du couple et la satisfaction sexuelle.

Pour aller plus loin

(1) Cordeau D, Courtois F. Sexual disorders in women with MS: assessment and management. Ann Phys Rehabil Med. 2014 Jul;57(5):337-347.
(2) Lew-Starowicz M, Gianotten WL. Sexual dysfunction in patients with multiple sclerosis. Handb Clin Neurol. 2015;130:357-70
(3) Lacroix P. Troubles sexuels et sclérose en plaques. La Lettre du Neurologue, 2017;XXI(9):280-283.

Publié le : 26/03/2019

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