Famille : l'impact de la SEP sur les frères et sœurs

Aujourd'hui, je vous propose de découvrir à travers l'expérience de mes 3 frères et sœurs des clés pour mieux vivre la maladie et développer votre résilience. En 1996, au moment du diagnostic, mon frère Renaud était âgé de 22 ans lors de mon diagnostic, ma sœur jumelle de 20 ans et ma plus jeune sœur de 15 ans. A travers leurs témoignages croisés, des conseils émergent pour mieux vivre le diagnostic comme la maladie.

"L'annonce a été un cataclysme"

"Étant la dernière, j'ai le souvenir d'une enfance insouciante, portée par mes parents, mon frère et mes sœurs", se souvient Camille. "L'annonce de la maladie de ma sœur a été pour moi un cataclysme. Quand Charlotte m'a parlé pour la première fois de sa maladie, j'ai perçu qu’il y aurait un 'avant' et un 'après'. Même si je ne me rendais pas vraiment compte à ce moment-là de tout l'impact de cette affection sur sa vie future."

Les deux premières années suivant le diagnostic ont été relativement calmes sur le plan médical. Si je me débattais intérieurement pour composer avec une maladie chronique à vie, ma fratrie reprenait à juste titre une vie estudiantine normale

"Seuls préservent l’insouciance et l’égoïsme de la jeunesse ainsi que l’incapacité immédiate à mesurer les renoncements que la maladie impliquera à terme", analyse Renaud. "Peut-être préserve aussi la formidable capacité d’adaptation de l’être humain !"

Impuissance

Le fossé s'est creusé au gré des poussées et des hospitalisations, des moments de repli lorsque je souffrais trop ou étais en poussée.

"Mais la vie de notre famille s'est naturellement et progressivement organisée pour s'adapter aux variations de l’état de santé de Charlotte", estime Camille. "Un sentiment d'impuissance m'a accompagnée les premières années mais la force 'du clan' a toujours été un refuge essentiel."

Décalage

Notre famille est très soudée, ce lien précieux ayant été renforcé par ma maladie et les cancers de mon père. Mais si mes parents ont pressenti l'impact de la maladie sur ma vie, mes frère et sœurs ont perçu plus tardivement à quel point ma vie professionnelle comme personnelle étaient et seraient bouleversées par la maladie. Un décalage que partageaient mes amis, portés par l'insouciance, l'espoir et pour certains, une pointe d'égoïsme.

Du deuil à faire....

Si le terme "faire son deuil" est souvent galvaudé, il semble justifié dans la maladie chronique, tant le handicap force à sacrifier de plus en plus d'activités. C'est exactement ce qui s'est passé dans mon cas.

"Charlotte a poursuivi ses études de médecin mais ne s'est pas spécialisée, contrairement à ce que son classement au concours d’entrée et ses capacités intellectuelles et humaines impliquaient", illustre Renaud. "Elle n’a pas exercé non plus ce métier conforme à sa vocation. Sa vie amoureuse s’en trouve également bouleversée et elle n’a pas d’enfants par choix et nécessité. La peur de la dépendance est également régulièrement présente."

Si la personne atteinte de SEP subit les renoncements de plein fouet, les proches aussi ont des deuils à faire.

"Ce qui est difficile n'est pas, pour ma part, d'accepter l'incertitude de cette maladie, son évolution ou les différences de rythme", évalue Aurélie. "C'est de voir ma sœur si brillante qui ne peut aller au bout de ses rêves, avec tant de limites, et d'accepter que je ne puisse rien faire par rapport à cet état de fait."

Quant à Renaud, "c'est l’injustice d’une maladie qui frappe à 20 ans une jeune personne à qui l’avenir devrait sourire. C’est la révision imposée d’ambitions légitimes à 20 ans, professionnelle et personnelle. C’est la persistance du déni et de la colère et le refus de l’acceptation - je ne l’ai toujours pas digéré personnellement."

Vers l'acceptation...

A cela s'ajoute l'imprévisibilité de la SEP, qui rebat les cartes à chaque poussée ou progression des symptômes. Chacun, malade compris, réagit à sa façon et demande plus ou moins de temps pour s'adapter, voire accepter la situation.

C'est un chemin de résilience personnel, certains utilisant la colère ou le déni pour avancer. En ce qui me concerne, l'acceptation me permet de 'vivre avec' la maladie et non pas de 'vivre contre', qui m'épuise encore plus et fait stagner. Et ce, même si je tempête parfois contre les névralgies et les contraintes !

Accepter avec tolérance les réactions et émotions différentes se révèle incontournable pour continuer à faire front ensemble.

Soutenir aussi les proches et les aidants

"J'ai eu inconsciemment l'impression que je devais jouer un rôle de grande sœur sans y être vraiment préparée", se souvient Camille, pourtant adolescente à l'époque. "La nécessité de prendre soin de ma sœur m'a incitée à être plus responsable, plus attentive à elle mais aussi à soutenir mes parents très affectés par la situation."

On ne mesure pas toujours à quel point les proches sont bouleversés par la maladie. Le réflexe est de soutenir celui ou celle qui a une SEP, de lui changer les idées et de recommander une thérapie si besoin. Ces conseils valent également pour les proches, en particulier s'ils sont en souffrance ou si leurs relations avec la personne malade sont perturbées.

De plus, se centrer sur tout ce que la personne peut encore faire, et non pas sur ce que la personne ne peut plus faire, est également salvateur. C'est ce qui m'autorise à trouver ma vie stimulante et pleine de sens, même si elle n'est pas conforme à ce qu'elle aurait dû être, et si elle est trop riche en contraintes et en douleurs. Les proches peuvent aussi y trouver du réconfort.

"Il faut dérouler un tapis rouge !"

"Après plus de 25 années à vivre avec ma sœur jumelle, je pense qu'il faut dérouler un tapis rouge face à une personne malade", analyse Aurélie. "L'image du tapis rouge moelleux est là pour apporter du réconfort et aussi pour la mettre en lumière car son destin a été impacté par cette maladie invalidante. Ce qui me permet d'avancer est de le faire en la sécurisant sur des aspects logistiques et en lui apportant écoute et chaleur sans oublier l'humour."

Le partage de légèreté et de rires, le réconfort, les dialogues nourris, la présence parfois quotidienne au téléphone, nous. Tout comme prendre conscience de notre chance...

"Dans ce contexte qui pourrait être sombre, nous sommes néanmoins chanceux", reconnaît Renaud. "Chanceux car la forme de SEP de Charlotte n’est pas une des plus lourdes, car nous sommes unis et capables d’en rire, car nous avons les moyens financiers de compenser un niveau de vie si le handicap ne le permet plus. Chanceux car le caractère trempé de ma sœur, mâtiné d’orgueil, lui a permis de passer outre un certain nombre de renoncements."

"Les personnes malades, des capacités d'écoute et de résilience hors norme"

Les proches, famille et amis, ont un rôle à jouer pour aider la personne à trouver sa place et à se sentir utile, ce qui est ardu avec le handicap. Moi, ils m'ont fait prendre conscience de ma valeur, en complément d'un travail personnel, d'une thérapie et de l'investissement dans ma vie professionnelle et associative.

"Il a fallu des années, et faire face ensemble à la maladie de mon père, pour que je me rende compte qu'en réalité, nous nous portons l'une et l'autre", confirme Camille. "Charlotte a été un soutien sans faille durant les derniers mois de vie de mon père et après sa mort. C'était naturel pour elle d'être une béquille pour nous, comme nous l'avons été lorsque sa santé se dégradait. Les personnes malades peuvent penser à tort qu'elles représentent un fardeau, un poids pour les autres. C'est tout le contraire. Les difficultés les aident à développer des capacités d'écoute et de résilience hors norme !" 

Tous, malades ou pas, doivent en avoir conscience. Si le handicap est une contrainte énorme, que je ne nie pas, c'est aussi une richesse fondamentale, qui pousse à profiter de la vie plus intensément et souvent à se dépasser. A l'échelle collective, il apporte une vision différente, qui participe à la construction d'une société plus inclusive et plus attentive à tous ceux et celles qui la composent.

A écouter, le podcast sur le thème d'adapter la dynamique familiale quand un des enfants est touché par une SEP. Vous y trouverez des conseils pratiques pour adapter votre vie quotidienne familiale.


Date de publication : Avril 2023
7000039840-04/2023

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