Névralgies et SEP : quand la neurochirurgie s’impose

Le 22 juillet, j’ai été opérée par une neurochirurgienne pour traiter mes névralgies du trijumeau liées à ma sclérose en plaques.

En quoi consiste cette chirurgie, et comment l’ai-je vécue ? Voici mon expérience.

Pourquoi une chirurgie ?

Le trijumeau est un nerf crânien qui transmet les sensations du visage, comme le toucher, la température, mais aussi la douleur. Il se divise en trois branches principales qui innervent différentes zones du visage.

Les névralgies du trijumeau, sont un de mes premiers symptômes. Ces cinq années, elles se sont intensifiées, survenant parfois tous les 3 jours, durant 15 ou 20 heures. Quand les traitements ne suffisent plus (3 médicaments différents dans mon cas et de la stimulation magnétique transcrânienne au centre de la douleur), la chirurgie peut être proposée.

Les options chirurgicales disponibles

Parmi les options possibles :

- le Gamma Knife (radiochirurgie ciblée sans incision)
- la thermorhizotomie (destruction ciblée de fibres nerveuses par la chaleur)
- la compression par ballonnet.

C’est cette option que la neurochirurgienne a choisie : elle consiste à gonfler un petit ballon à l’endroit où le trijumeau sort du crâne pour “écraser” les fibres qui transmettent la douleur. Ce qui diminue ou supprime les névralgies durant un temps limité, variable selon les patients.

Les risques à considérer

Quel est le risque ? Comprimer aussi les fibres sensitives, proches des fibres douloureuses. Un engourdissement de la moitié du visage est fréquent (53% des cas en traitement initial¹) et généralement temporaire. Il existe un risque de ne plus sentir la moitié des lèvres ou d’avoir une atteinte des muscles qui servent à mastiquer. Pour limiter cela, ma chirurgienne a choisi une compression plus courte que celle parfois utilisée en reprise d'intervention (1 minute au lieu d'1min30 ou plus¹).

De plus, des paresthésies (fourmillements, picotements) peuvent survenir dans les jours ou les semaines qui suivent la compression.

Le jour J

J’arrive à l’hôpital détendue, beaucoup plus détendue que mes proches (à tel point que je m’étais trompée sur l’heure de mon réveil) !

Le déroulement de l’intervention

Sous anesthésie générale, la chirurgienne :

  1. Passe par la joue
  2. Chemine jusqu’au foramen ovale, ( orifice qui permet d’accéder au trijumeau, à sa sortie du cerveau).
  3. Gonfle le ballonnet pour assurer la compression pendant une minute.
  4. Retire le dispositif

Au réveil, je vais bien. Je sors 5 heures plus tard, avec une alimentation molle recommandée les premiers jours. En réalité, j’ai dû manger “mou” presque 3 semaines et j’ai toujours du mal à ouvrir la bouche, mais c’est un détail comparé au reste…

Des suites plus compliquées que prévues

La neurochirurgienne m’avait prévenue du risque de paresthésies comme des fourmillements et picotements. Elles sont le plus souvent transitoires.

J’ai souffert de dysesthésies très intenses : des sensations douloureuses quasiment permanentes et parfois des brûlures, sur la moitié droite du visage. J’avais l’impression qu’un porc-épic déchaîné avait élu domicile dans ma joue ! J’ai dû ajouter un médicament actif sur ces douleurs pour réduire leur impact.

Pourquoi ces complications ?

D'après la neurochirurgienne, ces suites compliquées s'expliquent par mon contexte particulier : une plaque depuis 27 ans sur le nerf l'a bien malmenée. En effet, les plaques de démyélinisation sur le nerf trijumeau sont reconnues comme un mécanisme de la névralgie du trijumeau dans la SEP.¹

Dans la plupart des cas, un conflit entre le nerf et un vaisseau est en cause (21% des patients avec SEP dans l'étude¹). Ce contexte a généralement des suites plus simples.

Comment j’ai traversé cette épreuve

J’ai mobilisé toutes mes ressources :

  • Hypnose et méditation : pour m’extraire un peu de la douleur
  • Séries et musique : pour détourner l’attention,
  • TENS (neurostimulation externe) sur d’autres zones du corps que le visage (pour ne pas surstimuler)
  • Un peu de froid au bout de quelques jours
  • Un état d’esprit positif et plein d’espoir (je rationalise, bloque les pensées négatives dès qu’elles surviennent et ne projette pas)

Comme le dit Confucius : “Se préparer au pire, espérer le meilleur et prendre ce qui vient.” Ma SEP m’a appris à vivre au jour le jour, sans projeter ni anticiper. Cette doctrine m’a sauvée encore une fois !

Le soutien de mes proches a aussi été précieux. Petit à petit, j’ai repris la marche puis le yoga, en augmentant la durée et l’intensité très progressivement.

Et maintenant ?

Un mois après l’opération, j’ai encore quelques sensations difficiles à interpréter (entre dysesthésies et petites névralgies). Mais je reste optimiste !

Ce que disent les études

D'après une étude de 2013 portant sur 96 patients atteints de SEP et traités pour névralgie du trijumeau¹, 95% des patients ayant eu une compression par ballonnet en traitement initial ont été soulagés immédiatement (19 patients sur 19 dans cette étude).

Cependant, 61% d'entre eux ont vu leurs douleurs réapparaître, avec un délai médian de récidive de 29 mois (environ 2 ans et demi).

Cette même étude a comparé différentes techniques chirurgicales chez les patients avec SEP : la compression par ballonnet a montré les meilleurs résultats en traitement initial (95% de soulagement immédiat), suivie de la rhizotomie au glycérol (74% de soulagement) et de la radiochirurgie Gamma Knife (50%).

En cas de nouvelle intervention, l'efficacité tend à diminuer quelle que soit la technique : le taux de soulagement immédiat passe à 71% pour la compression par ballonnet, et le délai de récidive se raccourcit (médiane de 17 mois au lieu de 29).

Il est possible de refaire la compression par ballonnet ou d'essayer une autre technique, mais l'efficacité diminue généralement à chaque reprise.¹

Les complications sévères (engourdissement important, atteinte du réflexe cornéen, faiblesse des muscles masticateurs) sont survenues chez 5% des patients en traitement initial et 11% en reprise.¹

Conclusion

Un jour après l'autre : je compte bien profiter de l'accalmie ! Cette expérience m'a rappelé que même face aux symptômes les plus difficiles de la SEP, des solutions existent. La chirurgie n'est pas une décision à prendre à la légère, mais elle peut offrir un répit précieux quand les médicaments ne suffisent plus.

Si vous souffrez de névralgies du trijumeau liées à la SEP, n'hésitez pas à discuter de toutes les options thérapeutiques avec votre neurologue et un neurochirurgien spécialisé.

Sources bibliographiques

Mohammad-Mohammadi. Surgical Outcomes of Trigeminal Neuralgia in Patients With Multiple Sclerosis. Neurochirurgie 73(6) : p. 941-950, décembre 2013. | DOI : 10.1227/NEU.0000000000000128

MAT-FR-2504277-12/25

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