La maladie peut gagner un set mais pas le match !

Le sport est désormais recommandé pour les patients atteints de sclérose en plaques, pour diminuer la fatigue, entretenir la musculature et l'équilibre.

Le sport est désormais recommandé pour les patients atteints de sclérose en plaques, pour diminuer la fatigue, entretenir la musculature et l'équilibre. Mais la motivation et l'énergie pour avoir une activité physique de façon régulière font souvent défaut avec une SEP. L'exemple d’Isabelle, ancienne grande sportive, m'a semblé particulièrement inspirant et adapté.

C'est après deux ans émaillés de divers symptômes négligés par son généraliste de l’époque, qu’Isabelle, professeure d'Education Physique et Sportive dans le Secondaire, apprend qu'elle souffre d'une Sclérose en Plaques.

“En juin 2017, le dernier jour de cours, je me suis levée du lit, et là je n'étais pas capable de marcher, je ne sentais plus mes pieds, mes jambes, mon ventre. Depuis plusieurs mois j'avais des paresthésies à ces niveaux-là. J'avais également eu des problèmes d'équilibre et des petites chutes devant les élèves, ainsi que des troubles de mémoire depuis quelques temps. En neurologie, on m'a fait une ponction lombaire, puis fait passer une IRM cérébrale et médullaire. L'infirmière thérapeutique est venue me voir en me demandant si je connaissais la SEP... C'était à l'aube de mes 42 ans."

Commence un parcours que de nombreux patients atteints de sclérose en plaques connaissent bien, pour apprivoiser la maladie : "La première année, j'ai voulu faire comme si de rien n'était. Physiquement, j'avais récupéré sans séquelles apparentes. J’ai voulu faire une année scolaire normale avec 2 ou 3 jours d'arrêt de temps en temps. Mais en novembre 2018, j'ai dû me résoudre à demander un arrêt longue maladie. J'étais épuisée, j'avais des fourmillements partout, un torticolis depuis plus 4 mois, et je souffrais des effets secondaires de mon traitement de fond. Je n'avais plus de vie sociale et mon quotidien était très compliqué"



Sport : " la SEP a tout arrêté..."

Sur le plan personnel, Isabelle, très sportive, voit sa vie bouleversée par la maladie : "Avant, j'étais volleyeuse en club, je pratiquais les arts du cirque pour moi et avec mes élèves, la natation, du kayak, du paddle, de la marche aquatique. Je faisais du sport au minimum une heure par jour en plus de mon métier la semaine, et plusieurs heures pendant le weekend avec ma famille. Des journées bien pleines et dynamiques ! La SEP a tout arrêté un long moment... Ça a été compliqué à gérer pour moi, mais à fortiori pour mes filles et mon mari pour qui j'étais une pile électrique. J’ai eu du mal à gérer le changement, j'ai mis beaucoup de temps."

A l'époque, un passage en longue maladie durant 12 mois la soulage physiquement mais pas moralement. Ce temps de pause la pousse à s'interroger sur son avenir dans l'Education Nationale tant ce métier puise dans ses réserves.

"La SEP m'a appris à bien écouter mon corps"

Une rencontre l'aide alors à se réconcilier avec son corps. "J'ai repris une activité physique par le biais d'un kinésithérapeute qui m'a aidé à voir mon potentiel. J'ai repris petit à petit : physiquement, c'était dur mais moralement, je me sentais renaître. Progressivement, je me suis aperçue que je retrouvais de la « bonne fatigue », de la fatigue physique et pas la fatigue liée à la maladie. Je dormais un peu mieux, j'étais surtout mieux dans ma tête, mon corps secrétait en quantité suffisante de la dopamine, de la sérotonine et des endorphines." (NDLR : molécules produites par le cerveau à la suite d’une activité physique, et produisant une sensation de bien-être)

La grande sportive découvre, contrainte, un nouveau quotidien en accord avec ses sensations nouvelles : "J'ai adapté ma pratique sportive et ma vie de famille. J'ai dû apprendre à écouter mon corps pour ne pas me mettre dans le rouge. Les sportifs ont pour habitude d'aller au-delà de leurs limites, ce n'était visiblement pas la méthode adéquate. La SEP m'a appris à m’écouter, me chouchouter, à accepter de ne rien faire, sinon je mettais trop de temps à récupérer."

Alors, elle choisit de pratiquer une activité nouvelle pour éviter de comparer ses performances à celles d'avant le diagnostic. Elle s'initie à la marche nordique puis une formation auprès de la fédération française d'athlétisme. Pendant son congé maladie, Isabelle pratique le yoga, la méditation, le Pilate et entrecoupe parfois ses activités de plusieurs siestes. "Finalement, j'ai pris la SEP comme un match. Je me suis dit que la maladie pouvait gagner un set mais pas le match !"

"La maladie, un déclencheur"

"Début 2019, l'idée de monter ma boîte de coach en activités physiques adaptées pour les malades chroniques et les personnes sédentaires me trotte de plus en plus dans la tête. Je franchis le pas en décembre 2019 en montant ma micro-entreprise axée sur le bien-être et la prévention. Je propose du renforcement musculaire doux, des initiations à la marche nordique, des outils de relaxation. Je fais un mix de mon expérience et mes compétences acquises durant mes 20 ans d'enseignement et adapte mes interventions en fonction de la pathologie et du profil de la personne. Je me suis enfin lancée car je me sentais légitime en tant que malade chronique : je sais ce que c'est que la douleur, et d'être au plus mal tant physiquement que moralement."

Isabelle travaille désormais à mi-temps à l'Education Nationale : "j'aimerais continuer à amener une autre approche de l'activité physique au sein du collège « bien dans sa tête, bien dans son corps. On est dans une société axée sur la performance, la compétition et l'individualisme. Ce n'est pas ma philosophie, pas mes valeurs ! La SEP a renforcé mes convictions."

Finalement, la maladie l'a fait évoluer à la fois sur le plan personnel et professionnel, ce qui l'a fait progresser sur le chemin de l'acceptation : "La maladie a été un déclencheur pour suivre le chemin de vie que je souhaitais depuis longtemps et passer outre les obstacles mis sur ma route. L’activité physique et le soutien de ma famille m'y aident tous les jours."

"La neurologue me disait de vivre au jour le jour, mais moi, par mon métier, je dois anticiper les choses, j'étais perdue. Quand j'ai pu enfin ouvrir les yeux et me projeter dans l'avenir, je me suis remise en projet. Et, à ce jour, je ne veux voir que le côté positif de la SEP. Elle me pousse dans mes retranchements, me fait rencontrer de nouvelles personnes, m’oblige à réagir moins vivement et surtout vivre le moment présent, afin d’appréhender de nouvelles expériences bonnes ou mauvaises le plus sereinement possible..."

Publié le : 02/05/2020

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