Comment expliquer la SEP aux enfants

La sclérose en plaques est une maladie complexe dans ses mécanismes de survenue et son évolution. Il n’est donc pas forcément aisé de l’expliquer, notamment à des enfants, qu’ils soient atteints par cette maladie ou qu’elle concerne l’un de leurs parents. Mais en se mettant à leur portée, il est tout à fait possible de leur faire comprendre ce qu’est la SEP. Pour les enfants, comme pour tous les adultes et les proches, l’information est essentielle et doit être délivrée. Le Pr Kumaran Deiva, chef du service de neurologie pédiatrique à l’Hôpital Bicêtre, au Kremlin-Bicêtre, fait part de son approche et de son expérience.

Comment expliquez-vous la maladie à des enfants ?

Bien entendu, je procède différemment selon l’âge de l’enfant. Il faut s’adapter en fonction de son vocabulaire, de ses capacités, de son attention et de son attitude. Un enfant de moins de dix ans va généralement rencontrer plus de difficultés à rester attentif, tandis qu’un adolescent pourra vouloir donner l’impression qu’il n’en a pas grand-chose à faire, qu’il sait déjà tout ce qu’il doit savoir. L’important est de s’adapter et de toujours essayer de nouer le dialogue avec eux.

En règle générale, avec les enfants et les adolescents, j’ai recours à des représentations et à des symboles qu’ils connaissent pour leur expliquer la maladie. Ce qui marche souvent très bien est l’image de l’ordinateur. Je compare le cerveau à un disque dur d’où partent des câbles électriques par lesquels transitent toutes les informations dont le corps a besoin pour fonctionner : lever un bras, marcher, parler, etc. Aujourd’hui, les enfants savent comment fonctionne un ordinateur. Cette image est parlante pour eux.

Je demande ensuite aux enfants de me dire de quoi est constitué un câble électrique. Généralement, ils savent qu’il y a au centre un fil de cuivre qui est entouré d’une gaine de protection en plastique. Je leur explique alors que le fil de cuivre, ce sont les axones et les nerfs qui parcourent l’ensemble du corps. La gaine de plastique du câble électrique, c’est la myéline qui entoure et protège les axones.

C’est à ce stade que je leur indique ce que sont les globules blancs, s’ils ne le savent pas déjà : des cellules qui, en temps normal, ont pour fonction de protéger l’organisme contre les infections par des virus et des bactéries. C’est alors que je leur explique que la maladie survient quand ces globules blancs dysfonctionnent et qu’ils attaquent la gaine de protection en plastique des câbles électriques. De ce fait, l’information circule moins bien dans le fil de cuivre, d’où les difficultés qui peuvent survenir, notamment lors des poussés.

Comment expliquez-vous le dysfonctionnement des globules blancs ?

Je reviens alors sur le rôle normal des globules blancs : quand un virus pénètre dans l’organisme, les globules blancs le repèrent et, par différentes actions, le détruisent. Il arrive que des virus, pour essayer d’échapper aux globules blancs, s’emparent de protéines présentes dans l’organisme. Ils les portent un peu comme un masque pour faire croire qu’ils font partie du corps et qu’ils ne sont pas dangereux. Mais cela ne fonctionne pas. Les globules blancs sont suffisamment intelligents pour les reconnaître quand même et les éliminer.

Les globules blancs gardent en mémoire quelles protéines ont été portées par les virus, afin de se préparer à une nouvelle infection éventuelle. Cependant, parfois, pour des raisons qui n’ont pas été encore totalement identifiées, les globules blancs finissent par considérer ces protéines, même lorsqu’elles ne sont pas associées à un virus, comme étrangère au corps et comme un danger qu’il faut éliminer. Comme ces protéines sont naturellement présentes sur et autour de la gaine de protection des câbles électriques, les globules blancs les attaquent et, se faisant, ils altèrent la myéline. D’où la survenue de la maladie.

J’explique enfin que les traitements actuels visent à calmer les globules blancs afin qu’ils cessent d’attaquer la gaine plastique des câbles électriques.

Quelles informations donnez-vous aux enfants sur l’évolution possible de la SEP ?

Aux alentours de 10 ans, les enfants ne s’intéressent pas trop à l’évolution de leur maladie. Pour eux, c’est essentiellement le présent qui compte. Les adolescents sont souvent très stressés et déprimés par la maladie, même s’ils essayent généralement de feindre une certaine indifférence.

J’explique ce que sont les poussées et comment elles se manifestent. Surtout, j’essaye d’être rassurant car dans la grande majorité des cas, en dehors des périodes de poussées, les enfants vont très bien. La plupart du temps, ils ne se sentent pas malades et peuvent vivre comme tous les enfants.

Un aspect important est de corriger les idées fausses que les enfants et les adolescents peuvent avoir sur la maladie. Il n’est pas rare, par exemple, qu’ils craignent de mourir en raison de la SEP. C’est pourquoi je m’efforce de les faire participer le plus possible à la discussion, pour qu’ils puissent exprimer tout ce qu’ils savent ou croient savoir. C’est également le meilleur moyen pour eux de faire part de leurs angoisses.

Est-ce qu’il y a des informations que vous ne donnez pas aux enfants ?

Il n’y a pas de sujets tabous qu’il faudrait éviter. Avec les adolescents, j’évoque systématiquement les questions de sexualité, par exemple, même si ce n’est pas toujours évident, surtout en présence des parents.

Il est important que les enfants puissent entendre et comprendre tout ce qui concerne la maladie. Souvent, les plus jeunes ne participent pas directement à la discussion. Ils se mettent dans un coin et jouent, tandis que je parle avec leurs parents. En fait, malgré les apparences, ils écoutent tout ce qui se dit. Je ne demande jamais à un enfant de sortir lors d’une discussion avec ses parents. Car il se sentirait exclu et aurait le sentiment qu’on cherche à lui cacher des choses. Il n’y a pas mieux pour l’angoisser davantage !

Les parents pensent parfois qu’il est préférable de protéger leur enfant, de ne rien leur dire ou très peu. C’est tout le contraire qu’il convient de faire, que ce soit lors des consultations avec le neurologue ou dans la sphère familiale. Plus on verbalise, plus on parle, sans en faire trop toutefois, et toujours en s’adaptant à l’enfant, mieux c’est pour lui.

C’est pareil pour les frères et sœurs. Ils doivent être informés et associés aux discussions. Cela leur permet par exemple de comprendre pourquoi leur frère ou sœur accapare l’attention des parents alors qu’ils n’ont pas forcément l’impression qu’il ou elle est véritablement malade. Il faut lever les non-dits et corriger les idées fausses.

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