Claudie Kulak,
la passionaria des aidants

Claudie Kulak est une battante ! À partir de son histoire personnelle et constatant combien ceux qui aident leurs proches peuvent être seuls tout en étant confrontés à de multiples difficultés, elle a élaboré et construit un réseau d’entraide et de soutien : la Compagnie des Aidants. Depuis neuf ans, elle multiplie les interventions et les initiatives pour que les aidants soient mieux informés, formés et accompagnés. Portrait.

Une expérience personnelle

Claudie Kulak le dit sans ambages : son parcours d’aidant n’a rien de singulier. Elle est devenue aidante par la force des choses, sans aucunement l’anticiper, comme la plupart des 11 millions de Français qui sont actuellement dans la même situation. Marie, la tante et marraine de son mari, était une femme aimée de sa famille, indépendante, très active et vivant seule dans la banlieue parisienne. Avec l’âge, certaines activités ont toutefois commencé à lui devenir plus difficiles. À 80 ans, Marie n’a ainsi plus été en mesure d’aller consulter seule son cardiologue installé dans Paris. C’est tout naturellement que Claudie Kulak lui a proposé de l’accompagner, même s’il lui fallait pour cela prendre une demi-journée sur son temps de travail.

Quelques années plus tard, Marie tombe chez elle, alors qu’elle était seule. Après trois mois d’hospitalisation, elle rentre à son domicile, mais elle a beaucoup perdu en autonomie. Claudie Kulak et son mari se chargent d’aménager son domicile, de louer un lit médicalisé, de faire intervenir un service d’aides à domicile. Peu à peu, ils doivent s’occuper de plus en plus de Marie, pour ses courses, son linge, ses papiers… Ils le font sans se poser de questions, c’est juste normal, mais cela pèse sur leur quotidien, leur travail, leur vie. Quand son père est diagnostiqué pour la maladie d’Alzheimer, Claudie Kulak prend un rendez-vous avec la directrice du service à la personne qui intervient chez Marie et elle lui fait part des difficultés qu’elle rencontre. « Bienvenue chez les aidants », lui répond avant bienveillance la directrice, avant de l’inviter à participer à un groupe de parole.

Aidant, Claudie Kulak ne sait pas encore très bien ce que cela peut bien vouloir signifier. Mais lors des réunions du groupe de parole, elle se rend bien compte que les autres femmes présentes sont dans des situations tout à fait similaires. « J’avais presque l’impression, à les écouter, qu’elles parlaient de moi », se souvient-elle. Prenant conscience de cette expérience partagée, Claudie Kulak décide de s’informer sur la situation des aidants, sur les aides, services et accompagnements qui pourraient leur être destinés. Elle découvre alors, non sans surprise, un vide abyssal. « C’était en 2010 et il n’y avait rien pour les aidants, raconte-t-elle. Toutes ces personnes qui aidaient l’un de leurs proches, un enfant, un parent, étaient littéralement seules. Cela m’a semblé inacceptable. Comme j’aime bien monter des projets, j’ai commencé à en écrire un visant à rendre service aux aidants. Après avoir consulté plusieurs aidants et améliorer mon dossier, je l’ai soumis en 2011 à un appel à projets organisé par le département des Hauts-de-Seine. Il a gagné le premier prix ! L’aventure de la Compagnie des Aidants était lancée ».

La Compagnie des Aidants

L’association s’est au fil des années progressivement développée, avec l’appui de différents partenaires. En 2015, elle reçoit notamment le soutien de la Fondation La France s’engage, qui lui a permis de bénéficier d’un financement et d’un accompagnement sur trois ans. Aujourd’hui, la Compagnie des Aidants propose tout un panel de services aux aidants.

  • Un réseau social d’échange et d’entraide, pour favoriser le partage d’expériences entre aidants ;
  • Une bourse d’échanges de matériel et de services ;
  • Un soutien psychologique par téléphone ;
  • Des actions d’information. Le site de la Compagnie des Aidants fourmille d’informations pratiques sur tous les aspects de la vie des aidants. L’association organise aussi régulièrement des tournées de sa caravane « Tous aidants », une vraie caravane qui se déplace de ville en ville pour accueillir, écouter et orienter les proches aidants ;
  • Des formations. L’association met à disposition gratuitement sur son site une série de vidéos de formation pour permettre aux aidants de mieux savoir comment prendre soin de leur proche. Ces vidéos portent sur des gestes techniques (la pose de bas de contention, le transfert du lit au fauteuil roulant, les actes d’hygiène par exemple), mais également sur des aspects psychologiques et d’organisation au quotidien (prendre soin de soi, sortir de l’isolement, l’annonce de la maladie, par exemple).

À l’heure actuelle, Claudie Kulak œuvre pour obtenir une certification des formations proposées par l’association. « Il faut valoriser les compétences des aidants. Notre société méprise trop les métiers du “care”, du prendre soin. Ce sont pourtant des métiers formidables et en pleine croissance. Sans les intervenants auprès des personnes en perte d’autonomie ou fragilisées, il n’y a pas de maintien à domicile. L’expérience et les compétences acquises par les aidants doivent être mieux reconnues. »

Une militante au service des aidants

Identifier Claudie Kulak est une militante dans l’âme. Aider les aidants est indispensable, mais il faut aussi faire entendre leurs voix auprès de l’ensemble des acteurs de la société civile et des pouvoirs publics, jusqu’au plus haut niveau. C’est pourquoi elle s’est engagée dans une autre association, je t’aide, qu’elle préside. Il s’agit d’un collectif d’associations et d’institutions engagées dans le soutien aux aidants.

Sa mission : faire entendre et comprendre l’expérience, les besoins et les attentes des aidants afin qu’ils soient mieux pris en compte par l’ensemble de la société. Chaque année, ce collectif produit ainsi un document de plaidoyer déclinant des actions concrètes pour améliorer la situation des aidants. En 2019, Je t’aide s’est ainsi intéressé à la précarisation des aidants et formulé 21 propositions qui ont été adressées au gouvernement. « Nous avons eu le plaisir de constaté qu’un certain nombre d’entre elles ont été reprises dans le plan en faveur des aidants présenté par le Premier ministre en octobre 2019, explique Claudie Kulak. Aujourd’hui, nous sommes très attentifs à la mise en œuvre de ce plan ».

Claudie Kulak est aussi membre depuis quelques mois de la Conférence nationale de santé, un organisme consultatif placé auprès du ministre de la santé qui réunit des représentants du système de santé, dont des usagers, afin de contribuer à l’élaboration des politiques de santé. Enfin, elle est administratrice de Silver Valley, une structure qui fédère et accompagne les acteurs de ce que l’on appelle la « silver économie », autrement dit l’économie tournée vers les seniors. Silver Valley a ainsi pour objectif de favoriser le développement de solutions innovantes répondant aux besoins et usages des seniors et de leur entourage.

Cela fait ainsi longtemps que Claudie Kulak consacre tout son temps aux aidants. Elle a ainsi abandonné toute autre activité professionnelle, dont l’entreprise d’édition qu’elle avait créée et dirigée pendant 18 ans.
« Quand j’entreprends quelque chose, je le fais à fond », explique-t-elle. Et elle n’entend pas s’arrêter de sitôt : « Il y a encore tellement à faire pour les aidants. La solidarité familiale, c’est naturel. Mais, ce n’est pas une raison pour en perdre la vie ! Il est anormal que dans un pays riche comme le nôtre, les aidants ne soient pas davantage soutenus et accompagnés. D’autant que le développement des services à la personne est générateur d’emplois. Que l’on arrête de penser que les dépenses dans le domaine du social sont forcément à fonds perdu. C’est un investissement pour l’avenir, pour une société meilleure. Il faut réhabiliter la bienveillance ! » conclut-elle.

La Compagnie des Aidants : https://lacompagniedesaidants.org

Je t’aide : https://www.associationjetaide.org

Publié le : 15/10/2020

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