Traitement de la SEP : le point sur les avancées thérapeutiques
Depuis une trentaine d’années, des progrès importants ont été obtenus dans le traitement de la sclérose en plaques. Si la perspective d’une guérison n’est pas encore envisageable, de nombreux traitements de fond, qui permettent de ralentir, voire de stabiliser l’évolution de la maladie, sont aujourd’hui disponibles. Les stratégies thérapeutiques se précisent également. Par ailleurs, plusieurs nouvelles pistes de traitement sont à l’étude. Le point sur ces avancées avec le Pr Thibault Moreau, chef du service de neurologie du CHU de Dijon-Bourgogne.
Les formes rémittentes de la SEP, les plus fréquentes, se caractérisent par la survenue de poussées, c’est-à-dire l’apparition, en quelques heures ou jours, de symptômes qui peuvent être divers. Ces symptômes disparaissent ensuite partiellement ou totalement, dans un délai variable. Le traitement de ces poussées repose depuis longtemps sur l’administration de corticoïdes qui permettent d’accélérer la récupération après la survenue des symptômes. Classiquement, le traitement est administré à forte dose par voie intraveineuse trois jours de suite, à l’hôpital ou à domicile. Il a été montré ces dernières années qu’une administration par voie orale de corticoïdes, toujours à forte dose et toujours pendant trois jours, est aussi efficace que le traitement par voie intraveineuse (1).
« Le nombre de comprimés à prendre chaque jour est important, explique le Pr Moreau, mais cela est néanmoins plus simple que la voie intraveineuse et permet plus aisément le traitement à domicile. Dans le contexte de la Covid-19, cela présente un intérêt indéniable. »
À l’heure actuelle, une quinzaine de médicaments ont montré leur efficacité contre les formes rémittentes de la sclérose en plaques. Ils permettent de réduire la fréquence des poussées et la survenue de nouvelles lésions au sein du système nerveux central. Par conséquent, ils ralentissent l’évolution de la maladie.
Ces traitements de fond se divisent en deux grandes catégories :
Il est aujourd’hui établi qu’il est préférable de commencer le traitement de fond de la sclérose en plaques rapidement une fois que le diagnostic est établi. Plus le traitement est engagé précocement, plus son action bénéfique sur l’évolution de la maladie sera prolongée (2).
« Traitement précoce ne veut pas dire qu’il faut se précipiter, précise le Pr Moreau. Le choix du traitement doit faire l’objet d’une réflexion préalable qui tienne compte des caractéristiques de la maladie, mais aussi de la situation globale du patient, ainsi que de ses préférences. J’ai coutume de dire que le traitement de fond, c’est comme un contrat de mariage : on part pour une longue durée, donc il ne faut pas se tromper et faire en sorte que le traitement soit bien compris et accepté par le patient. »
Le schéma classique du traitement de fond des SEP rémittentes repose sur la stratégie de l’escalade thérapeutique. Cela signifie de commencer le traitement avec un médicament immunomodulateur, qui a une action modérée sur le système immunitaire. Puis, si nécessaire, en cas d’activité de la maladie (survenue de nouvelles poussées et/ou de lésions cérébrales), de changer pour un médicament immunosuppresseur, avec une activité plus prononcée sur l’immunité (3).
Ces dernières années, une nouvelle stratégie thérapeutique a émergé pour la prise en charge des patients atteints de sclérose en plaques : le traitement d’induction. L’idée est de proposer d’emblée un traitement immunosuppresseur, avec l’objectif d’obtenir un contrôle de l’évolution de la maladie plus important et plus prolongé (3).
« Actuellement, la stratégie d’induction est plutôt réservée aux patients qui présentent une forme très active dès le début de leur SEP, indique le Pr Moreau. En sachant que les médicaments immunosuppresseurs exposent à davantage de risques. Comme ils diminuent l’immunité, ils sont notamment associés à un risque accru d’infections et nécessitent donc une surveillance renforcée. À l’inverse, les médicaments immunomodulateurs sont désormais très bien connus depuis longtemps. Le choix de l’une ou l’autre stratégie est déterminé en fonction de la balance bénéfices/risques adaptée à chaque malade. »
De nouvelles voies de traitement sont actuellement explorées, avec l’objectif d’améliorer l’efficacité sur le contrôle de l’évolution de la maladie, notamment chez les personnes présentant une forme progressive de celle-ci.
Les tyrosines kinases sont des enzymes qui interviennent dans les processus de communication entre les cellules. Il a été montré que certaines de ces enzymes pouvaient favoriser l’activité de différentes cellules immunitaires impliquées dans la survenue et l’évolution de la SEP. Des essais cliniques évaluant des médicaments inhibant des tyrosines kinases sont en cours (4,5).
« Cette approche thérapeutique est intéressante car elle propose un mode d’action différent des traitements actuels, explique le Pr Moreau. Des données tendent à indiquer que ce type de médicament pourrait avoir une efficacité sur les formes progressives de SEP. Ce sont donc des molécules à suivre. »
Ce mode de traitement est en cours d’évaluation. Il consiste dans un premier temps à prélever chez un patient des cellules souches, cellules qui donnent naissance aux différentes cellules sanguines. Le patient reçoit ensuite un traitement par chimiothérapie qui détruit toutes les cellules sanguines. Les cellules souches initialement prélevées lui sont alors réinjectées. Celles-ci reconstituent une nouvelle population de cellules sanguines toutes « neuves » (4).
« Les autogreffes de cellules souches ont fait l’objet de nombreuses études récentes avec des résultats très encourageants et avec une tolérance acceptable, indique le Pr Moreau. Il reste à définir avec précision les patients susceptibles d’être bons répondeurs. »
Ces dernières années, différentes stratégies thérapeutiques ont été développées pour tenter de régénérer la gaine de myéline et, ainsi, prévenir la progression du handicap et la dégénérescence neuronale. Il a été observé chez certains patients une réparation spontanée de la myéline. Même si cette réparation est souvent insuffisante, les mécanismes la permettant sont de mieux en mieux connus. Cela a ainsi permis d’identifier des cibles thérapeutiques et des molécules susceptibles d’agir sur celles-ci et donc de favoriser la remyélinisation. Plusieurs médicaments ont été évalués dans cette optique, d’autres le sont actuellement (3,5).
« Les résultats obtenus jusqu’à présent sont assez décevants, remarque le Pr Moreau. Les médicaments testés n’ont pas montré jusqu’à présent d’effets très probants. Toutefois, cela reste une piste thérapeutique intéressante sur laquelle de nombreuses recherches sont menées. »
Des travaux expérimentaux sont par exemple en cours sur la greffe de cellules myélinisantes. Les cellules greffées pourraient stimuler des facteurs nécessaires à la production de myéline (3,5).
Une autre approche vise à empêcher la survenue des atteintes neuronales et ainsi ralentir l’évolution de la SEP. Différents médicaments sont actuellement à l’essai pour tenter d’obtenir cette neuroprotection, avec des résultats prometteurs mais encore très préliminaires (3,5).