Bernard Gentric, vice-président de l’Arsep

Le 25 mars 2020, Bernard Gentric l'énergique vice-président de l'ARSEP, va fêter ses 70 ans. Un homme qui carbure aux défis en dépit de sa sclérose en plaques ! Refaire du sport malgré les troubles de l'équilibre et de la motricité, courir les 20 km de Paris après une paralysie, lancer Solidaires En Peloton, la marque sportive de l'Arsep, rien ne lui fait peur ! Dans cette interview, retrouvez son parcours et sa façon de vivre la maladie comme un challenge quotidien, qui le force à aller au-delà de lui-même. Il nous fait bénéficier de son expérience de la SEP, avec une philosophie humaniste : à chacun ses défis, à chacun son Everest.

Bernard, pourrais-tu nous raconter dans quelles circonstances a été découverte ta maladie ?

C'était à l'occasion d'un footing, où j'avais fait une chute ; le lendemain, j'avais au réveil une paralysie des membres inférieurs. De fil en aiguille, le diagnostic est tombé car j'avais eu de nombreux symptômes auparavant (des fourmillements, une névrite optique, des contractures anormales, une maladresse, de la fatigue...) mais pour lesquels je ne m'étais pas inquiété. Chaque symptôme était traité par le généraliste isolément donc il n'y avait pas de mise en perspective pour diagnostiquer une sclérose en plaques.

Pour moi, ça a été un choc bien sûr mais je me suis dit que de toute façon il n'y avait pas d'autre choix que de se battre, c'est ma nature ! J'allais faire autrement et à partir de là, je ne prenais que le meilleur. Après le diagnostic, j'ai eu quelques violentes poussées (à nouveau des paralysies des membres inférieurs et des névrites optiques), qui m'ont valu un traitement lourd par chimiothérapie et des corticoïdes à hautes doses. J'ai eu la chance de bien récupérer, même si ce n'était jamais en totalité.

Lors de certains épisodes, il suffisait d'une semaine ou de 10 jours mais à d'autres moments, il me fallait plus d'un mois avec des difficultés prononcées à la marche. À chaque fois, je faisais de la rééducation... J'ai fait 18 poussées en moins de 10 ans et comme j'arrivais toujours à les dépasser, je me disais que j'arriverais toujours à les surmonter. Puis j'ai eu 2 ou 3 poussées sévères en moins d'un an et je me suis rendu compte qu'il fallait changer quelque chose. C'est de là que date mon engagement à l'ARSEP. Aujourd'hui, je souffre de troubles de la motricité que je compense par une grande activité physique. Pour compenser le handicap physique, j'ai mis en place des stratégies de contournement. J'ai aussi des troubles de concentration et de la fatigue et un handicap visuel, je ne vois ni les reliefs ni les contrastes donc je suis très gêné par ce dernier handicap.

Comment as-tu géré vie professionnelle, vie familiale et maladie ?

Concernant ma maladie, je n'ai jamais été très stressé (hormis sur un point, comme j'étais sportif et que j'adorais courir, mon inquiétude était de ne plus courir). Mais ce qui m'inquiétait, c'était l'impact que la maladie pourrait avoir sur mes proches, sur ma femme et mes enfants. À tel point que je ne leur ai pas dit tout de suite mais seulement au bout de quelques années ; ce n'était pas un refus mais je ne voulais pas que la maladie m'empêche de faire comme avant. Il a vraiment fallu une grosse poussée pour que je me dise qu'il fallait que je fasse autrement ! Cette annonce à mes proches a généré une grosse inquiétude. Ce n'est pas simple à gérer pour l'entourage, surtout avec les idées reçues qui entourent la maladie.

C'est pour ça que tout en étant réaliste il faut casser cette image très répandue du fauteuil roulant comme étant inéluctable ! Cela reste une maladie invisible dans la plupart des cas... Mais j'ai eu la grande chance d'avoir un entourage familial exceptionnel, beaucoup d'amis et énormément d'activités. J'étais déjà engagé dans des associations : le fait de se tourner vers les autres permet de se tourner un peu moins vers soi... Je me lançais des défis : d'abord l'enjeu de me remettre à courir puis d'autres ont suivi, avec l'idée de les faire partager, de dépasser un problème et de le faire partager pour que d'autres en bénéficient.

Sur le plan professionnel, j'ai eu la chance dans ma deuxième carrière (avant, j'étais colonel dans l'armée) d'avoir beaucoup d'indépendance et de liberté et donc j'étais maître de mon agenda. J'avais un poste à responsabilités avec beaucoup d'autonomie ce qui me permettait de concilier relativement facilement ma vie professionnelle et ma maladie. C'était cependant parfois stressant. J’étais sans doute également plus émotif et je me suis aperçu qu'avec la maladie, c'était plus compliqué de gérer les moments de tension. J'étais plus sensible à la tension que je ne l'étais avant. Je donnais le change mais je fatiguais davantage, avec la crainte que des dysfonctionnements liés à la maladie apparaissent dans l’exercice de mes responsabilités. On a alors tendance presque spontanément à anticiper : "j'ai une SEP, je vais être moins réactif qu'avant, moins performant."

Où as-tu trouvé la force de rebondir ?

Paradoxalement ce nouvel enjeu motive, même si on se sent amoindri. Cette maladie est pour moi un challenge, avec la volonté de ne rien montrer et une tendance à en faire encore plus qu'avant ! Mais c'est souvent compliqué et nous ne sommes pas tous égaux devant la maladie parce que l'on n'a pas les mêmes personnalités, pas le même entourage, pas le même parcours de vie. Il n'y a pas d'égalité devant la maladie ! À chacun ses défis, à sa mesure...
On peut tous gravir un Everest mais ce n'est pas forcément la montagne que l'on connaît : l'important c'est d'avoir un défi devant soi, atteignable mais qui nécessite de se dépasser un tout petit peu...

Trois choses m'ont vraiment aidé : d'abord l'environnement familial et amical qui est essentiel, avec des engagements divers et variés, notamment auprès d'associations. Puis la vie professionnelle m'a stimulé et motivé, même si elle était fatigante. J'essaie toujours de garder l'envie, la stimulation, les projets (avoir toujours un projet d'avance).
Enfin, l'activité physique m'a également beaucoup apporté. J'ai dû arrêter le tennis du fait des troubles de l'équilibre, de la coordination, de la vue et de la motricité. Mais j'ai toujours couru, la course est quelque chose que tu peux faire dans la durée tranquillement (j'ai appris à courir zen, en respectant mes limites alors que j'étais marathonien avant). Mais le sport m'a toujours permis, en me fixant de nouveaux objectifs, de dépasser le défi de la maladie par d'autres défis !

Publié le : 17/03/2020

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