Interview de Danièle Gentric

En complément des interviews de patients, je vous propose de partager l'expérience de certains de leurs proches. Comme moi, vous savez que l'entourage est essentiel et les ressentis de ces personnes si précieuses me semblent être très intéressants : cela permet de se mettre de l'autre côté du miroir pour comprendre ce qu'ils vivent, leurs émotions, leurs doutes, leurs angoisses et surtout la façon dont ils parviennent à les traverser. Aujourd'hui, c'est au tour de Danièle Gentric, l'épouse de Bernard Gentric, vice-président de l'Arsep, de nous confier ses réflexions.

Quand et comment as-tu appris la maladie de ton mari ?

Il a eu une première poussée en 1995 non détectée. En 1996, il a fait une chute en courant, sans y prêter trop d'attention, mais le médecin en consultation quelques jours plus tard a jugé utile de lui faire passer un scanner puis une IRM. Le verdict de « sclérose en plaques » est tombé quelques mois plus tard après une 2ème poussée.

Je connaissais des gens qui avaient cette maladie et j'avais l'image du fauteuil, d'une maladie épouvantable qui finissait mal mais je ne l'ai pas vécu comme ça, sans doute du fait de l'approche de Bernard envers son diagnostic, de sa manière de réagir. J’ai l'impression, avec le recul, que cela n'a pas été quelque chose de dramatique, parce que lui ne le vivait pas comme une tragédie. Nous avons simplement adapté notre vie à l'évolution de cette maladie, et pendant plus d’un an, personne de sa famille n’a été au courant.

Un tel diagnostic est un bouleversement… Comment avez-vous traversé cette tempête ?

C'est difficile d'en parler car toute notre vie commune ou presque, on la vit à 3 pratiquement depuis le début puisque la sclérose en plaques est arrivée très tôt dans notre vie de couple.

Il y a eu, bien sûr, quelques années de flottement après l'annonce de la maladie. Si je ne me souviens pas de crainte ni d'angoisse particulière, en revanche il est évident qu'une période assez longue de « calage » m'a été nécessaire quant à la « bonne » attitude, si tant est qu'elle existe… Pour l'entourage immédiat comme pour le patient il faut un temps d'adaptation, d'intégration, d'ingestion et de digestion. J'avais coutume de dire dans cette période que Bernard et moi nous partagions les rôles : lui il avait la SEP, moi je cherchais à la comprendre pour l'aider au mieux à vivre avec.

À ce moment, j'ai cherché beaucoup d'informations, mais j'ai eu aussi une grande tendance à l'hyper protection : j'évitais tout ce qui pouvait le fatiguer (limitation des invitations, des sorties notamment.). Je ne dis pas qu'aujourd'hui je ne suis plus en vigilance, ce serait mentir, mais elle a pris une autre forme, je suis disponible et à proximité pour accompagner, mais j'essaye (j'ai bien dit j'essaye..) d'être moins dans l'anticipation.

Le partage d'une activité et d'un investissement aussi fort que Solidaires En Peloton m'a aussi sans doute beaucoup aidée en cela, les effets positifs étant bien supérieurs aux négatifs... et les effets sur Bernard tellement importants que j'ai compris que pour aller mieux, il devait se fatiguer. Mais je ne dis pas que c'est une recette universelle : il est un peu hors normes mon bonhomme, c'est aussi sans doute ce qui fait sa force et un peu la mienne.....

Comment la famille a-t-elle géré cette maladie ?

Pour les enfants, le contexte était particulier ; Bernard a 3 enfants d'une union précédente, ils étaient jeunes adolescents à l'époque du diagnostic et ne vivaient pas avec nous au quotidien. Mais leur soutien et leur amour a toujours été essentiel.

Il leur a parlé de sa maladie plusieurs mois après le diagnostic, avant une hospitalisation. Il est toujours difficile de savoir ce que ressentent profondément des enfants et comment ils vont réagir à une telle annonce. Les réactions peuvent être très différentes selon leur âge, leur degré de maturité et leur tempérament. Une grande pudeur peut empêcher certains d'en parler alors que d’autres verbalisent beaucoup plus. Pour les plus jeunes, c’est l’image du parent tout puissant et la crainte de ne plus pouvoir faire avec lui tout ce qui était imaginé et qu’avaient fait ses aînés qui peut être source de douleur, sans forcément être verbalisé.

La maladie d’un parent est toujours source d’angoisse pour des enfants. Il est important de leur parler. Pour le parent la difficulté est de savoir quand et comment. Mais ils ont avant tout besoin d’être rassurés et de savoir qu’ils n’ont pas à porter le poids de la maladie de leurs parents et peuvent et doivent vivre pleinement leur vie.

L’ARSEP a aujourd’hui quelques ouvrages qui me paraissent très utiles mettant en scène des enfants dans leur relation avec un parent atteint de SEP.

Tu as rapidement contacté l'Arsep (Association pour la Recherche sur la Sclérose en Plaques) après le diagnostic et tu es toujours engagée dans la fondation, pourquoi ?

J'avais besoin de savoir, de me rassurer, beaucoup plus que lui. Très vite, j'ai connu l'Arsep en cherchant sur internet. J'ai vu que la fondation organisait un congrès des patients et j'y suis allée (depuis, j'y assiste chaque année). J’y ai trouvé des réponses à mes questions. Au cours de ce congrès, le conseil scientifique a fait un bilan sur les nouveaux traitements et l'avancée de la recherche (ce qui me rassurait un peu car je voyais qu'il y avait des progrès). Les patients et les proches peuvent poser des questions ; il y a des ateliers thématiques avec un médecin.

J'ai beaucoup fréquenté ces congrès car je prenais des notes, j'apprenais beaucoup et lorsque j'accompagnais Bernard, j'avais des données plus pertinentes pour dialoguer avec le corps médical. L'Arsep avait aussi des médecins qui assuraient des permanences téléphoniques. Quand je pensais que Bernard était en poussée et qu'il tardait à consulter, je demandais leur avis et je le poussais à prendre rendez-vous avec son neurologue. J’étais dans l’ingérence… mais… pour la bonne cause…
Aujourd’hui, j’ai accepté la responsabilité de déléguée régionale Aquitaine.

Tu as aussi connu une expérience négative avec une association…

J’ai assisté à 3 ou 4 réunions d’association près de chez moi, mais j'en sortais désolée de ce qui s'y passait. Dans ces réunions, les gens disaient « on est malheureux, on ne peut rien faire… On ne fait rien pour nous ». J'essayais d'apporter la touche positive en racontant l'expérience de Bernard, sa pratique du sport. Mais ce n’était pas compris. En fait, c'est un état d'esprit…et une représentation qu’il faut dépasser.

Heureusement l’espoir donné par les avancées médicales et une meilleure information sur la maladie font que les comportements évoluent.

Mais, il y a encore beaucoup de gens atteints de SEP et même quelques professionnels de santé qui en gardent cette image dramatique, avec une évolution fatalement handicapante. Un certain nombre de patients baisse peut-être trop rapidement les bras en se disant « ma vie est derrière moi et je n'ai plus rien à faire ».

Nous avons la chance avec les activités de Solidaires En Peloton de rencontrer beaucoup de patients et de personnes de leur entourage. C’est toujours un immense plaisir lorsqu’à l’issue d’une discussion la personne repart avec l’envie de reprendre confiance.

Quelles sont des conséquences « positives » et les difficultés que la maladie a pu engendrer ?

Quand tu vis aux côtés de quelqu'un qui se bat tous les jours et avec bonheur contre la maladie, tu ne peux pas faire autrement que la même chose que lui ! Cela permet de relativiser beaucoup plus les petits désagréments. Par ailleurs, la manière dont il le vit et tout ce qu'il a construit autour (Solidaires En Peloton, la marque sportive qu'il a créé pour l'Arsep, les fronts sportifs, les rencontres exceptionnelles), n’existerait pas sans la SEP ! Nous avons fait et faisons, ensemble, des choses qui ont du sens, qui en donnent et qui nous font plaisir avec le sentiment d’en procurer à d’autres !

Pour conclure sur ta question le positif l’emporte largement sur le négatif avec trois maître-mots universels : dialogue, compréhension et… amour. J’en ajouterais peut-être un 4ème… espoir…

Publié le : 20/02/2020

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