La vie d'Héloïse, aidante aimante

Vie avec une sclérose en plaques : Quand le handicap se majore

Héloïse est l'épouse de Benjamin, dont je vous ai déjà parlé en tant que patient expert qui souffre d'une forme progressive de la maladie. Elle m'a raconté son expérience de personne aidant (et avant tout aimant) un proche atteint par une SEP. Son témoignage, à la fois lucide et plein d'amour, m'a semblé riche d'enseignements et de conseils intéressants.

Il y a 9 ans, le diagnostic de sclérose en plaques vient perturber l’harmonie du couple… « C'est une maladie qui fait peur, raconte Héloïse. La première année, nous nous disions que l’on ferait face et que cela irait. Mon rôle relevait plus du soutien moral car psychologiquement, c'est assez stressant ».

Mais un an plus tard, le couperet est sévère, il s’agit d’une forme primaire progressive car les troubles de l’équilibre et les faiblesses musculaires se majorent progressivement.

« En soi, ça n'a pas fait une grande différence, nous nous en doutions et la grande question était celle de l'avenir... reprend Héloïse. Treize ans après, c'est toujours le cas comme l'évolution est constante et qu'il perd des facultés régulièrement. Nous nous demandons quand cela va s'arrêter et si cela va s'arrêter un jour… ».

Le plus difficile à vivre selon elle est l'absence d'espoir d'amélioration : « Je bloque mes pensées pour ne pas trop penser et nous profitons vraiment des bons moments, où il va un peu mieux. Je me concentre sur le présent et sur ce qu'il peut encore faire ».

Cette situation est très angoissante et heureusement, la présence de leurs deux enfants injecte de l’insouciance et de la gaieté.

« Nos enfants âgés de 9 et 12 ans sont très moteurs et nous n'avons pas le choix, nous devons maintenir un bon climat familial. Nous avions déjà un tempérament festif mais ils nous poussent à continuer à être festifs ».

Dès le départ, le couple prend le parti d'adapter leur environnement : « Ce qui est particulier, c’est que les difficultés arrivent petit à petit, elles sont très progressives : Benjamin a marché avec une canne puis deux, puis un déambulateur et enfin un fauteuil. Dès le départ, nous avons pris le parti d’adapter tout ce qui pouvait l'être pour vivre comme avant : avec des poignets au niveau des toilettes et de la baignoire, un lit médicalisé, des potences, un monte-escalier électrique pour aller à l'étage. Même s'il y a des limites aussi... ».

La vie à deux avec une sclérose en plaques

Depuis qu'il a dû arrêter de travailler, Benjamin s'est investi dans la formation de patients expert, auprès d'associations et d'autres patients. « Je l'aide dans ce qu'il fait et dans son investissement vis-à-vis des autres patients, commente-t-elle. C'est très gratifiant pour lui ».

Corollaire inévitable, le couple vit dans le monde de la SEP en permanence, ce qui n'est pas toujours facile à vivre. Héloïse conserve donc des activités extérieures pour avoir un peu de temps à soi, même si elle reconnaît que trouver l'équilibre parfait est difficile.

« Le fait d'être tout le temps ensemble, d'avoir besoin d'aide et d'en donner, cela nous rapproche forcément, estime Héloïse. Nous rions beaucoup et nous avons parfois de vrais fous rires quand nous tombons l'un sur l'autre...Nous sommes obligés d'être proches par la force des choses, par rapport à son corps. Il y a une intimité qui est différente de celle d'avant avant et qui rapproche. Pour le moment, nous n'avons pas encore besoin d'aide extérieure mais il faudra alors déléguer les choses plus intimes, comme les toilettes du corps entier ».

Mais inévitablement, à force d'être toujours ensemble et comme dans tous les couples, il y a des moments d'agacement et le besoin de s'éloigner est parfois tentant. « On se tape parfois un peu sur les nerfs et c'est compliqué de prendre de l'espace puisque je ne peux pas partir toute la journée, reconnait Héloïse. Je peux le laisser quelques heures mais c'est stressant et je culpabilise tout de même ! Heureusement, Benjamin est d'un très bon tempérament, il ne me le fait jamais sentir (si par exemple il tombe et il reste allongé par terre, il fait la sieste) ».

L'équilibre de la famille

La vie de famille est primordiale pour le couple, qui a bien compris qu'il fallait faire certaines choses séparément. Ils font parfois deux équipes, Benjamin d'un côté, les enfants et leur maman de l'autre.

« On a abandonné de nombreuses activités que l'on faisait ensemble, les balades à vélo ou à pied, les longues journées de pique-nique. Mais cette organisation en deux équipes permet à Benjamin de se reposer et il travaille beaucoup sur son ordinateur pour ses activités ».

Les enfants, quant à eux, vivent plutôt bien la situation : « Ils n'ont pas eu leur vie qui basculait d'un jour à l'autre puisque l'évolution a été très progressive, analyse Héloïse. Comme ils n'ont connu que cela, tout leur paraît assez normal. Je leur montre des photos et je valorise les choses que Benjamin a faites dans le passé. Car l'image d'un papa en fauteuil n'est pas toujours facile, c'est parfois triste mais le regard des enfants est différent. Ils sont très chouettes avec leur père et assez aidants avec les autres personnes. Je pense qu'ils seront des adultes avec un regard très ouvert sur le handicap. Ils ont aussi des avantages : ils ont leurs parents tous les jours ! ».

Prendre soin de soi et parler…

Si Héloïse devait donner deux conseils à ceux qui vivent avec une personne handicapée, ce serait de se ménager et d'en parler. « Au début, je prenais la situation à bras le corps mais je m'use aussi. J'essaie de me ménager un peu car cela va durer, conseille-t-elle. C'est normal aussi d'en avoir marre parfois, car cette maladie est une épreuve pour un couple ! En parler librement me fait du bien et heureusement, je peux tout dire à ma famille. Mais une aide extérieure peut aussi être bénéfique, comme un psychologue et un psychiatre ».

Les conseils d'Héloïse sont plein de bon sens, il est reconnu que les personnes aidant un proche malade ont plus de problème de santé que d'autres. Il est donc important de se réserver des moments à soi et de mettre la culpabilité de côté aussi dur cela soit-il : prendre soin de soi est le meilleur moyen d'être présent(e) à long terme auprès de la personne que l'on aide et que l'on aime...

Article rédigé par Charlotte

Publié le : 05/04/2019 Mis à jour le : 02/05/2019

Restez informé

Chaque mois, un compte rendu
de l’actu Sep-Ensemble dans votre boite mail.