La fatigue, un vrai symptôme de la SEP

La fatigue est un phénomène physiologique et psychique normal que tout le monde ressent à un moment ou un autre de chaque journée. Pour beaucoup des personnes atteintes d’une sclérose en plaques, la sensation de fatigue est toutefois accrue, à la fois en termes de fréquence et d’intensité. C’est même l’un des symptômes de la maladie décrit comme l’un des plus invalidants par les malades. Son origine est le plus souvent multifactorielle et les moyens de la combattre restent encore aujourd’hui limités. Voici tout ce qu’il est bon de savoir sur la fatigue au cours de la SEP avec le Pr Marc Debouverie, chef du service de Neurologie du CHRU de Nancy.

Fatigue et SEP, de quoi parle-t-on exactement ?

La fatigue (dont le terme médical est asthénie) survient après une activité physique ou intellectuelle prolongée et/ou intense. Elle se traduit par une baisse des performances. Elle est normale lorsqu’elle disparaît après une période de repos. Les personnes vivant avec une sclérose en plaques ressentent une fatigue différente.

Les caractéristiques de la fatigue au cours de la SEP

Chez les malades atteints de SEP, la fatigue se traduit comme chez tout un chacun par une diminution des capacités physiques et cognitives. Cependant, elle survient plus rapidement après un effort qui n’est pas forcément important ; la fatigabilité physique, c’est-à-dire l’endurance à effectuer des efforts musculaires, est ainsi amoindrie. De plus, elle nécessite davantage de repos. En d’autres termes, c’est une fatigue plus fréquente et plus intense que la normale1.

De fait, cette fatigue interfère souvent avec les activités de la vie quotidienne ; les personnes ne sont pas en mesure d’effectuer pleinement ce qu’elles ont à faire au cours de leurs journées. Cependant, la fatigue n’est pas forcément permanente. Généralement, elle est fluctuante et se manifeste de façon très intense uniquement pendant quelques heures1. « Les patients la décrivent souvent comme une chape de plomb qui leur tombe dessus », explique ainsi le Pr Marc Debouverie.

C’est néanmoins une fatigue chronique, qui peut entraîner un sentiment d’épuisement et exacerber les autres symptômes de la maladie1.

La fatigue ressentie par les malades peut être déclenchée ou aggravée par la chaleur. À l’inverse, elle peut être atténuée par des températures fraîches1,2.

La fatigue étant à la fois un symptôme et un ressenti subjectif, elle s’exprime de façon différente d’une personne à une autre1.

Un symptôme très fréquent

Selon les différentes études réalisées sur le sujet, la grande majorité des personnes atteintes d’une SEP déclarent éprouver ce type de fatigue : celle-ci concernerait ainsi 75 % à 90 % des malades2.

La fatigue peut être ressentie à tous les stades d’évolution de la maladie1. Elle apparaît souvent de façon précoce, voire avant même tout autre symptôme2.

Elle touche autant les femmes que les hommes. Elle survient quel que soit l’âge avec la même intensité (en dehors de la fatigabilité physique qui augmente naturellement avec le vieillissement)1.

Les conséquences importantes de la fatigue liée à la SEP

La fatigue ressentie par les malades vivant avec une sclérose en plaques est loin d’être anodine. Compte tenu de son intensité et de sa fréquence, elle altère souvent la qualité de vie globale2.

Obligeant les personnes à s’adapter dans leur quotidien en fonction des épisodes de fatigue, celle-ci impacte la vie professionnelle, familiale et sociale. Elle peut ainsi être responsable d’un arrêt précoce de l’activité professionnelle. Elle peut nuire également aux relations avec les proches, ces derniers ne comprenant et n’acceptant pas forcément à quel point la fatigue ressentie est importante. La fatigue peut ainsi contribuer à l’isolement des malades1,3.

Comment s’explique la survenue de la fatigue au cours de la SEP ?

La fatigue associée à la sclérose en plaques peut avoir de multiples causes. Celles-ci sont directement ou indirectement liées à la maladie.

Les causes directement liées à la SEP

Les recherches menées jusqu’à présent permettent de penser que la sclérose en plaques peut être directement responsable de la survenue de la fatigue. Cependant, les mécanismes responsables sont complexes et encore mal connus. Il en existe certainement plusieurs qui interviennent de façon concomitante1.

Il semble ainsi que la présence de lésions dans différentes zones du système nerveux central (qui comprend le cerveau, la moelle épinière et les nerfs optiques) puisse expliquer, du moins en partie, qu’une fatigue accrue soit ressentie par les malades1,2.

Par ailleurs, la SEP est associée à des anomalies au niveau du système nerveux musculaire, du système neuroendocrinien et du système immunitaire. Ces différentes anomalies sont également suspectées d’être responsables de la fatigue. Par exemple, le système immunitaire libère des cytokines (des substances qui interviennent dans la communication entre les cellules de l’organisme) qui favorisent une inflammation, celle-ci contribuant à l’état de fatigue1,2.

Ses différents mécanismes peuvent expliquer que la fatigue puisse être plus fréquemment ressentie au moment des poussées de la maladie1.

Les causes secondaires de la fatigue

Plusieurs types de troubles peuvent contribuer à accentuer la fatigue chez les personnes atteintes d’une sclérose en plaques. Il s’agit notamment :

- Des troubles du sommeil. Les perturbations du sommeil sont fréquentes et sont généralement liées aux symptômes et conséquences de la maladie, tels que les troubles urinaires (lorsqu’ils obligent à devoir se lever une ou plusieurs fois au cours de la nuit), les douleurs, le syndrome des jambes sans repos ou encore l’anxiété. Ils entraînent une insomnie, c’est-à-dire des difficultés à s’endormir, des interruptions du sommeil et des réveils précoces2. « Un sommeil de mauvaise qualité est une cause majeure de fatigue », indique le Pr Debouverie.

- Les troubles de l’humeur. En raison de ses conséquences et de l’imprévisibilité de son évolution, la SEP provoque fréquemment de l’anxiété chez les malades, voire une dépression. Ces troubles, qui par eux-mêmes tendent à perturber le sommeil, sont une source de fatigue accrue2.

- Les maladies endocriniennes. Les troubles thyroïdiens sont fréquents dans la population générale et peuvent donc toucher les malades atteints de SEP.

- Les effets indésirables des médicaments. Certains traitements, en particulier les relaxants musculaires, les antidouleurs, les antidépresseurs, les anxiolytiques, les hypnotiques, les bêtabloquants et des immunosuppresseurs peuvent avoir un impact sur la fatigue. C’est également le cas pour quelques-uns des traitements de fond de la SEP2.

D’autres facteurs sans liens directs avec la SEP sont également susceptibles de favoriser un état de fatigue. C’est notamment le cas de l’anémie (baisse du taux sanguin d’hémoglobine, qui permet le transport de l’oxygène dans l’organisme), d’un déficit en vitamines (en particulier les vitamines D, B12 et B9), ainsi que les infections (bronchites, sinusites, infections urinaires, etc.)2.

Quelle prise en charge peut être proposée contre la fatigue ?

Il est important que toute personne atteinte de sclérose en plaques parle à son médecin de la fatigue qu’elle ressent. Même s’il n’existe pas réellement de traitement pour lutter contre celle-ci, il est possible de proposer des solutions pour qu’elle impacte moins sur le quotidien et la qualité de vie.

L’évaluation de la fatigue

La fatigue étant un symptôme complexe et multifactoriel, il est nécessaire dans un premier temps de l’évaluer de façon aussi précise que possible. Cette évaluation repose essentiellement sur des auto-questionnaires2.

Deux questionnaires sont principalement utilisés : le FFS, pour « Fatigue Severity Scale » (échelle de sévérité de la fatigue) et le MFIS, pour « Modified Fatigue Impact Scale » (échelle modifiée de l’impact de la fatigue). Le premier comprend neuf questions concernant principalement les aspects physiques de la fatigue ressentie et son retentissement sur les activités quotidiennes. Le second repose sur 21 questions explorant les dimensions physiques mais aussi cognitives et psychosociales de la fatigue éprouvée. Ces questionnaires sont assez faciles et rapides à remplir. Ils permettent au médecin d’avoir une compréhension plutôt complète de la fatigue ressentie par son patient et de l’impact de celle-ci dans sa vie quotidienne2.

L’évaluation de la fatigue par auto-questionnaires ne permet toutefois pas de distinguer la fatigue liée directement à la maladie et celle provoquée par d’autres causes. Des examens complémentaires peuvent être nécessaires pour rechercher une origine précise de la fatigue, par exemple une anémie, un dysfonctionnement thyroïdien ou des troubles du sommeil2.

Traiter les troubles accentuant la fatigue

Dans un premier temps, le médecin s’attache à proposer des solutions contre les différents troubles qui peuvent entraîner ou exacerber la fatigue4.

« Si la personne dort mal, le simple fait de lui permettre de passer de meilleures nuits peut conduire à une amélioration sensible de sa fatigue, explique ainsi le Pr Marc Debouverie. De même, un état anxieux ou dépressif doit être pris en charge pour que le patient se sente mieux et ressente moins la fatigue ».

Toute cause directe de la fatigue, telle que l’anémie ou une infection, doit également être traitée4.

Pas de médicaments validés contre la fatigue

À l’heure actuelle, aucun médicament ne dispose d’une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la fatigue4.

Plusieurs médicaments ont été évalués chez des malades atteints de sclérose en plaques pour voir s’ils avaient un effet bénéfique sur la fatigue. Les résultats des études sont peu concluants, l’efficacité observée étant dans le meilleur des cas modérée2,4.

Certains de ces médicaments sont néanmoins proposés4, avec un bénéfice variable selon les malades.

« Parmi les patients atteints d’une forme rémittente de sclérose en plaques, nous avons l’impression que la fatigue est moins présente chez ceux qui prennent un traitement de fond, précise par ailleurs le Pr Marc Debouverie. Ce type de traitement permet de contrôler l’activité générale de la maladie, de diminuer l’activité inflammatoire, ce qui semble amoindrir la fatigue. »

Les différentes interventions possibles

Plusieurs stratégies sont envisageables pour limiter la fatigue :

L’activité physique
Le fait de pratiquer des exercices physiques et de l’entraînement à l’effort apparaît être un bon moyen de réduire la fatigue. Les études réalisées avec la participation de patients atteints de SEP montrent un bénéfice modéré mais significatif4.

L’exercice physique augmente la force musculaire, les capacités cardiovasculaires et respiratoires, la souplesse et la stabilité. Il contribue également à améliorer l’humeur et la qualité de vie dans son ensemble5.

Les activités les plus fréquemment préconisées sont les exercices d’aérobie tels que le vélo d’appartement, la marche sur tapis roulant, les exercices dans l’eau, ainsi que ceux de renforcement musculaire (sur appareils de préférence, à défaut avec des élastiques ou en utilisant le poids du corps). Des études ont également montré que la pratique du yoga peut être bénéfique4,5.

Il est préférable qu’un programme personnalisé d’exercices physiques soit établi par un spécialiste de médecine physique et de réadaptation et/ou un éducateur d’activité physique adaptée (APA), en tenant compte de l’état de santé global de chaque malade5.

Le refroidissement corporel
Même si ce n’est pas totalement validé, des études ont montré que des techniques de refroidissement peuvent améliorer la fatigue. Il s’agit notamment des douches et bains froids, des vestes rafraîchissantes et de la cryothérapie4.

Les programmes de conservation de l’énergie
Ce type de programme repose sur une classification des activités (professionnelles, familiales ou de loisirs) de la journée en les classant par ordre de priorité. L’objectif est de parvenir à réaliser celles qui sont les plus importantes lorsque la personne a le plus d’énergie. Le but est également de prévoir des temps de repos aux moments où la fatigue se fait le plus sentir4.

Selon différentes études, la mise en œuvre d’un programme de conservation de l’énergie conduit à une amélioration de la fatigue. Cependant, il peut être compliqué d’adapter ses activités, notamment en raison des contraintes professionnelles4.

Des réseaux de santé et des services hospitaliers proposent des séances de gestion de la fatigue4.

Les psychothérapies
Différentes approches de psychothérapie semblent pouvoir être bénéfiques pour amoindrir la fatigue ressentie. C’est notamment le cas des thérapies cognitives et comportementales et de la thérapie fondée sur la pleine conscience4.

À la condition d’adhérer pleinement à la démarche, elles semblent permettre d’obtenir un bénéfice modéré sur la fatigue.

Il est bien entendu permis de combiner ces différentes interventions pour lutter contre la fatigue. Il n’existe néanmoins pas de solution miracle. Mais, avec l’aide de son équipe médicale, il est possible de moins la ressentir au quotidien.

Sources bibliographiques

1. Debouverie M. Fatigue. Brochet B, Sèze JD, Lebrun-Frenay C., Zéphir H. La sclérose en plaques - Clinique et thérapeutique. Elsevier Masson, 2017.
2. Ayache SS, Chalah MA. Fatigue in multiple sclerosis - Insights into evaluation and management. Neurophysiol Clin. 2017 Apr;47(2):139-171. doi: 10.1016/j.neucli.2017.02.004.
3. Wendebourg MJ, Heesen C, Finlayson M et al. Patient education for people with multiple sclerosis-associated fatigue: A systematic review. PLoS One. 2017 Mar 7;12(3):e0173025. doi: 10.1371/journal.pone.0173025.
4. Pittion-Vouyovitch S. Prise en charge de la fatigue. Brochet B, Sèze JD, Lebrun-Frenay C., Zéphir H. La sclérose en plaques - Clinique et thérapeutique. Elsevier Masson, 2017.
5. Halabchi F, Alizadeh Z, Sahraian MA, Abolhasani M. Exercise prescription for patients with multiple sclerosis; potential benefits and practical recommendations. BMC Neurol. 2017 Sep 16;17(1):185. doi: 10.1186/s12883-017-0960-9.

Publié le : 07/10/2019

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