Les troubles psychologiques
au cours de la SEP

Les troubles psychologiques sont fréquents au cours de la SEP, avec un impact important sur la qualité de vie. Ils nécessitent une prise en charge reposant à la fois sur un traitement par médicament et une psychothérapie.

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie dont l’évolution est imprévisible, qui peut entraîner des troubles très divers et qui conduit bien souvent à une profonde remise en question de sa vie. Il n’est donc pas étonnant qu’elle entraîne fréquemment des troubles psychologiques, avec un retentissement potentiellement important sur la qualité de vie. Le point sur ces troubles et leur prise en charge, avec Anne-Laure Ramelli, psychologue du Réseau SINDEFI SEP (réseau sclérose en plaques et maladies inflammatoires du système nerveux Ile-de-France).

Les différents types de troubles psychologiques

Chez les personnes atteintes de sclérose en plaques, trois principaux troubles psychologiques sont fréquents : la dépression, l’anxiété et l’hyper-expressivité émotionnelle. Au cours de la maladie, ces troubles surviennent avec une fréquence bien plus élevée que dans la population générale1.

La dépression

La dépression touche environ 30 % des personnes atteintes de SEP à un moment ou un autre de leur vie2. Le plus souvent, il ne s’agit pas d’une dépression majeure, mais d’épisodes d’intensité modérée. Ceux-ci peuvent se traduire par différents symptômes, en particulier une douleur morale, un sentiment de honte, de culpabilité ou d’inutilité, une auto-dévalorisation, une tristesse et/ou une colère1.

La survenue d’une dépression chez une personne touchée par la SEP peut avoir deux origines principales :

  • Une origine psychosociale. La dépression est réactionnelle, c’est-à-dire qu’elle survient en réponse à la confrontation à un événement ou une situation. Ce peut être, par exemple, l’annonce du diagnostic ou le stress qu’engendre l’évolution de la maladie, ou encore la survenue d’un handicap. La dépression peut être également liée à la perte de contact avec une relation familiale ou amicale qui constituait jusqu’alors un soutien important1.
  • Une origine neurologique. Les lésions cérébrales provoquées par la maladie peuvent être directement responsables d’un épisode dépressif3.

Il convient également de savoir que certains médicaments utilisés pour le traitement de fond de la sclérose en plaques sont susceptibles d’induire des symptômes d’une dépression1.

La survenue d’une dépression peut par ailleurs être favorisée par d’autres facteurs liés à la SEP : les poussées, la fatigue et le stress notamment. Le fait de conserver des liens avec d’autres personnes, en particulier si elles sont bien portantes, et de ne pas craindre une perte d’autonomie à court terme sont, à l’inverse, des facteurs protecteurs1.

L'anxiété

L’anxiété concerne environ 22 % des personnes atteintes d’une SEP, mais sa fréquence est très variable selon les études publiées2. Elle est plus fréquente chez les femmes que chez les hommes. Cette anxiété est provoquée ou intensifiée par différents stress : par exemple, l’annonce du diagnostic, la survenue d’une poussée, l’imprévisibilité de la maladie, ou encore la crainte de la survenue de handicaps ou d’une perte d’autonomie1.

Les symptômes de l’anxiété sont divers, avec des anticipations anxieuses et, sur le plan physique, des palpitations, une sensation de poids sur la poitrine, des difficultés à respirer ou à déglutir, voire par moments la sensation d’être au bord de l’évanouissement. Enfin, concernant les émotions, l’anxiété peut provoquer, par exemple, des énervements plus fréquents ou rapides, et une perte de patience.

L’hyper-expressivité émotionnelle

L’hyper-expressivité émotionnelle survient chez environ 30 % des personnes touchées par la sclérose en plaques1. Ce trouble correspond à une perte de contrôle émotionnel, avec deux traits caractéristiques :

Le bilan nécessite environ 45 minutes et se déroule en trois étapes principales :
- Une labilité émotionnelle, c’est-à-dire le fait de passer très rapidement d’une émotion à une autre ;
- L’incontinence affective, qui correspond à une expression excessive et non maîtrisée des émotions.

La personne peut ainsi être joyeuse et, l’instant d’après, pour une raison anodine, se mettre dans une colère noire et s’en prendre à son entourage avec des mots beaucoup plus violents que ce qu’elle souhaiterait en réalité.

Les autres troubles psychologiques possibles ?

D’autres troubles psychologiques peuvent survenir chez les personnes souffrant d’une SEP, mais ils sont beaucoup plus rares. C’est le cas par exemple du trouble bipolaire qui se caractérise par l’alternance de périodes d’excitation et de dépression1.

Chez les personnes présentant une forme évoluée de la SEP, il peut également survenir deux autres types de trouble. Le premier est appelé « rire et pleurs spasmodiques ». Il se traduit par des formes de spasmes s’apparentant à un rire et/ou des pleurs, sans lien avec l’émotion ressentie sur le moment. Le second est « l’euphorie pathologique ». Il se manifeste par un optimisme débordant et débridé, une gaîté qui apparaît incongrue. Ce trouble rare est très déstabilisant pour l’entourage1.

Les réactions émotionnelles secondaires

La sclérose en plaques est une maladie chronique généralement difficile à vivre. « Sa survenue signe le passage vers une autre vie, caractérisée par l’incertitude, l’instabilité et l’imprévisibilité, explique Anne-Laure Ramelli. Pour les patients, l’horizon devient menaçant. »

Un affaiblissement des ressources psychiques ?

La SEP entraîne et entretient ainsi des vulnérabilités psychologiques. Elle fragilise l’estime de soi, induit un sentiment de perte de contrôle sur sa vie et un sentiment d’impuissance. Obligeant les malades à devoir s’adapter de manière répétée à de nouvelles situations, elle conduit à une usure. « Au fil du temps, cela provoque un affaiblissement des ressources psychiques, poursuit Anne-Laure Ramelli. Les personnes sont moins en mesure de faire face, elles parviennent moins bien à se mobiliser pour agir, elles perdent en élan vital. Cela se traduit par des états d’âme moroses. »

Une expression variable selon les personnes

Quels qu’ils soient, les différents troubles psychologiques associés à la sclérose en plaques peuvent être pris en charge. L’objectif est d’améliorer le vécu quotidien et la qualité de vie. « Les études1 ont montré que pour être pleinement efficace, il est préférable que la prise en charge associe un traitement par médicament et un travail psychothérapeutique », indique Anne-Laure Ramelli.

Ces deux approches sont ainsi complémentaires.

Le traitement par médicament

Le traitement repose essentiellement sur la prise d’un antidépresseur. Ce type de médicament constitue le traitement de fond de la dépression et de l’anxiété. Il permet une meilleure régulation des émotions.
La prise d’un antidépresseur est tout à fait compatible avec les traitements de fond de la sclérose en plaques.

Le travail psychothérapeutique

« La psychothérapie est un travail d’élaboration, de compréhension et de verbalisation, explique Anne-Laure Ramelli. Elle vise à donner un sens au vécu de la personne, à articuler la maladie à l’histoire propre du patient pour entretenir un sentiment de continuité. Elle lui permet aussi d’acquérir un meilleur contrôle de ses réactions émotionnelles et de faciliter l’adoption de nouvelles attitudes. »

Il existe différentes approches psychothérapeutiques (thérapies cognitivo-comportementales, thérapie systémique, psychanalyse, Gestalt, etc.). Elles peuvent être tout autant bénéfiques les unes que les autres. Un point clé réside dans la qualité de la relation qui s’établit entre le patient et le thérapeute.

Le travail psychothérapeutique peut être réalisé dans différents cadres : des entretiens individuels, conjugaux ou familiaux. Tout dépend des difficultés éprouvées par la personne et de ses attentes.

Il est possible également d’intégrer un groupe de parole. « Ce sont des espaces d’échanges et de partages d’expériences, précise Anne-Laure Ramelli. Ils permettent de réaliser un travail sur l’expression des émotions et de réassurer. Ils constituent également un bon moyen de rompre l’isolement social dont peuvent souffrir des patients. »1

Les approches psycho-corporelles

De manière complémentaire, les approches psycho-corporelles, telles que l’hypnose, la sophrologie, le Qi Gong, la méditation de pleine conscience, etc., sont un bon moyen d’apprendre à gérer son anxiété. « À partir de l’identification de ses réactions corporelles, l’objectif est d’agir sur les pensées et les comportements afin de moins ressentir l’anxiété dans la vie quotidienne », souligne Anne-Laure Ramelli.

En pratique, comment agir quand on ressent des troubles psychologiques ?

Même si cela n’est pas toujours évident, il convient d’être attentif à ses humeurs, ses perceptions et ses émotions. Un petit travail d’introspection peut suffire à se rendre compte que des choses « ne tournent pas rond ».

Les perceptions et les réactions de l’entourage sont également un bon indicateur que des changements s’opèrent au niveau psychologique chez soi.

En parler à son médecin

C’est à l’évidence la première chose à faire. Nul besoin de se dire de manière catégorique « je suis déprimé » ou « je suis anxieux ». Il suffit de ne pas se sentir bien, d’avoir le moral en berne ou de se mettre à pleurer pour un rien pour en parler à son médecin neurologue ou son médecin traitant. Les troubles psychologiques sont des troubles comme les autres au cours de la SEP. Il n’y a donc aucune raison de ne pas les évoquer. D’autant qu’il existe des moyens de prise en charge et donc de se sentir mieux.

Après avoir posé un diagnostic, le médecin est en mesure de prescrire un traitement par médicament s’il l’estime nécessaire. Il peut ensuite orienter vers un « psy » ou une structure proposant du soutien psychologique.

Vaincre ses réticences

Certaines personnes peuvent être réticentes à l’idée de prendre un antidépresseur ou de consulter un psychologue. « Dans les deux cas, ce n’est pas un signe de faiblesse, répond à cela Anne-Laure Ramelli. Il ne faut pas en avoir honte. Cela fait partie de la maladie. On peut consulter un psychologue comme on consulte son neurologue. »

Il faut également savoir que les troubles psychologiques ne se résolvent rarement spontanément. « Ne rien faire contre eux, c’est prendre le risque que les troubles s’intensifient et deviennent de plus en plus difficiles à traiter, précise Anne-Laure Ramelli. À l’inverse, plus la prise en charge est précoce, plus elle est efficace. »

Consulter un psychologue

Le plus simple est que le médecin neurologue ou le médecin traitant oriente vers un psychologue, soit au sein d’un centre hospitalier, soit installé en cabinet libéral. À défaut, il est possible de prendre un rendez-vous directement avec un professionnel installé à proximité de son domicile. La relation de confiance et d’entente étant primordiale dans un travail psychothérapeutique, il faut ne pas hésiter à consulter un autre psychologue si le courant ne passe pas avec le premier consulté.

Il est également possible de s’adresser au réseau SEP de sa région. Les réseaux peuvent orienter vers des psychologues qui connaissent la maladie. Certaines structures disposent des ressources nécessaires pour financer un soutien psychologique.

Il faut savoir, pour finir, que la consultation d’un psychologue n’est pas remboursée par l’Assurance Maladie. Le coût de ce type de prise en charge peut être en partie remboursé par les mutuelles complémentaires, en fonction du contrat souscrit. Cependant, même dans ce cas, il faut prévoir un reste à charge pour le patient.

Sources bibliographiques :

1. Ramelli AL. Troubles de l’humeur et psychologiques. Brochet B, Sèze JD, Lebrun-Frenay C., Zéphir H. La sclérose en plaques - Clinique et thérapeutique. Elsevier Masson, 2017.
2. Boeschoten RE, Braamse AMJ, Beekman ATF et al. Prevalence of depression and anxiety in Multiple Sclerosis: A systematic review and meta-analysis. J Neurol Sci. 2017 Jan 15;372:331-341.
3. Solaro C, Gamberini G, Masuccio FG et al. Depression in Multiple Sclerosis: Epidemiology, Aetiology, Diagnosis and Treatment. CNS Drugs. 2018 Feb;32(2):117-133..

Publié le : 20/06/2019

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