Les troubles de l’équilibre
au cours de la SEP

Les personnes atteintes de sclérose en plaques présentent fréquemment des troubles de l’équilibration posturale. Ces troubles peuvent altérer la marche et les activités. Ils entraînent également un risque accru de chute.

Les personnes atteintes de sclérose en plaques (SEP) présentent fréquemment des troubles de l’équilibration posturale, avec des répercussions multiples dans la vie quotidienne. Ces troubles peuvent altérer la marche et les activités. Ils entraînent également un risque accru de chute. Les exercices physiques et la rééducation sont le meilleur moyen de limiter ces troubles et leurs conséquences. Le point avec le Dr Edwin Regrain, spécialiste de médecine physique et réadaptation au Centre d'Evaluation et de Rééducation des Vertiges, de l'Equilibration et de la Marche (CERVEM), Polyclinique des Bleuets à Reims.

L'équilibre, un état plus complexe qu'il n'y paraît

Maintenir son corps en équilibre en toutes circonstances paraît naturel. En réalité, l’état d’équilibre met en jeu une multitude de fonctions de l’organisme et résulte d’une coordination particulièrement complexe de celles-ci.

Différents systèmes sont ainsi impliqués dans la fonction dite d’équilibration, qui permet d’obtenir et de maintenir l’état d’équilibre du corps.

Les systèmes sensoriels

C’est le système nerveux central qui coordonne l’ensemble des fonctions nécessaires à l’équilibre dans toutes les situations. Pour cela, il a besoin de recevoir un ensemble d’informations1. Celles-ci lui sont notamment fournies par :

  • La vision. Elle permet de se repérer dans l’espace, ainsi que de percevoir les déplacements et les caractéristiques de l’environnement.
  • Le labyrinthe au sein de l’oreille interne. C’est lui qui fournit les informations concernant l’orientation et les déplacements du corps dans l’espace, en fonction de la gravité, particulièrement pour les déplacements et les mouvements de la tête.
  • La sensibilité tendineuse, articulaire et cutanée. La peau contient des récepteurs placés de façon plus ou moins profonde dans le derme et l’épiderme. Ceux de la voûte plantaire renseignent sur la position du corps par rapport au sol, permettent de percevoir les irrégularités et/ou l’instabilité de ce dernier, et d’adapter l’équilibre en conséquence. Les récepteurs tendineux et articulaires permettent de connaître la position exacte de chaque partie du corps dans l’espace, leur mouvement, la force musculaire nécessaire et les transferts de poids du corps par rapport à la gravité terrestre.

Les systèmes d’intégration

Toutes les informations sensorielles perçues sont transmises au système nerveux central (SNC) par différents canaux de transmission. Plusieurs régions du SNC sont ensuite impliquées dans l’analyse des informations reçues, afin de piloter ensuite les systèmes de contrôle1.

Les systèmes de contrôle

Ces systèmes nerveux pilotent l’appareil musculo-squelettiques. Ce dernier permet de maintenir l’équilibre du corps, en se contractant, et d’adapter la posture en fonction de l’environnement (si le sol est instable par exemple), des déplacements et des mouvements ; c’est ce qui permet de conserver son équilibre lorsqu’on se lève d’une chaise, qu’on lève les bras en l’air ou que l’on se tient debout dans un bus. L’équilibre repose ainsi sur des corrections et des ajustements permanents ordonnés par le système nerveux central1.

Pourquoi les troubles de l'équilibre surviennent-ils au cours de la SEP ?

La sclérose en plaques est une maladie qui se caractérise par la survenue de lésions au niveau du cerveau, de la moelle épinière et du nerf optique. Ces lésions entraînent un moins bon passage des informations depuis et vers le système nerveux. « Cette maladie est celle qui est le plus susceptible de toucher chacun des différents systèmes impliqués dans l’équilibration, explique le Dr Regrain. Les entrées sensorielles peuvent être touchées, avec pour conséquence des informations moins précises, voire erronées qui sont envoyées au système nerveux central. Des lésions peuvent être présentes au niveau des systèmes d’intégration, avec une moins bonne communication des informations et par conséquent des ordres retardés ou inadéquats. Enfin, les systèmes de contrôle moteurs, ceux qui exécutent les ordres peuvent être eux aussi altérés ou fonctionner moins bien du fait de la moins bonne conduction des informations nerveuses. »

Des troubles très divers

En raison de la multiplicité possible des lésions touchant les différents systèmes impliqués dans l’équilibration, les troubles de l’équilibre susceptibles de survenir au cours de la maladie sont d’une grande diversité2. Globalement, il est constaté que les personnes atteintes d’une SEP peuvent présenter :

  • Une diminution de la capacité à maintenir la posture ;
  • Une limitation et un ralentissement des mouvements destinés à obtenir la stabilité du corps;
  • Des réponses ralenties aux déplacements et adaptations de la posture.

Plus concrètement, ces troubles peuvent se traduire par davantage d’oscillations du corps, des déplacements ralentis, des mouvements mal adaptés, des vertiges plus ou moins prononcés2. Cela conduit à des difficultés à conserver son équilibre. « Les patients peuvent par exemple ne pas savoir avec la précision nécessaire où se situe leur jambe dans l’espace, précise le Dr Regrain. Quand ils marchent, le déplacement de la jambe n’est pas aussi précis qu’il devrait l’être, le pied ne se pose pas sur le sol comme ils s’y attendaient. Les patients peuvent aussi buter sur une marche s’ils ne regardent pas précisément celle-ci. »

Des troubles très fréquents

Il a été montré que deux facteurs entraînent fréquemment une aggravation des troubles de l’équilibre :

  • La fatigue. Celle-ci est ressentie par une majorité des personnes atteintes par la SEP. « La fatigue perturbe la perception des informations sensorielles par le système nerveux central, indique le Dr Regrain. Par conséquent, elle accentue les troubles de l’équilibre. »
  • Les troubles cognitifs. Il s’agit des troubles qui affectent la mémoire, l’attention, la concentration, etc. Ils sont principalement liés à la présence de lésions cérébrales. Les recherches tendent à montrer que ces troubles sont susceptibles de perturber l’équilibration. Les malades rencontrent plus de difficultés à conserver leur équilibre, lorsqu’ils se déplacent par exemple, tout en pensant et/ou en faisant autre chose2. Porter un verre d’eau tout en marchant peut ainsi devenir compliqué. « C’est comme s’il y avait un goulot d’étranglement, explique le Dr Regrain, le système nerveux central ne parvient pas ou moins bien à faire deux tâches simultanées, et l’équilibration en pâtit. »

Quelles sont les conséquences des troubles de l'équilibre ?

Les chutes

La conséquence la plus immédiate des troubles de l’équilibre, c’est la chute. L’altération de l’équilibration entraîne un risque accru de chuter au sol, risque qui est plus ou moins prononcé en fonction de l’importance des troubles. Globalement, il est estimé qu’environ un malade sur deux fait une chute au cours d’une période de trois à six mois 2. « Dans environ un cas sur deux, les chutes sont traumatiques, précise le Dr Regrain. Elles provoquent des fractures chez 28 % des patients, des blessures, des traumatismes divers. Elles ont donc des conséquences importantes. »

Plus la SEP se situe à un stade d’évolution avancé, avec des handicaps et des troubles installés, plus le risque de fracture est plus important. Il a été également constaté que le recours à une aide technique à la marche, l’usage d’une cane par exemple peut, si elle est inadaptée, accroître le risque de chute2.

« Il existe des situations qui sont plus à risque que d’autres, explique le Dr Regrain, ce sont ce que l’on appelle les transferts, c’est-à-dire les passages d’une position à une autre. C’est par exemple le fait de se lever d’une chaise pour se mettre debout ou de passer d’un lit à un fauteuil. C’est dans ces moments-là que l’attention doit être la plus grande pour limiter le risque de chute. »

L’inactivité et l’isolement

Les troubles de l’équilibre tendent à entraîner les malades dans un vrai cercle vicieux. Se sentir incertain dans ses postures, ses mouvements et sa marche peut conduire à avoir moins d’activités physiques et sociales dans la vie quotidienne. La peur de chuter accentue la diminution des activités. Les personnes sortent moins de chez elles, voient moins de personnes extérieures, font moins de tâches, se déplacent moins. Cela contribue à accentuer l’isolement dont bon nombre de malades souffrent2.

Par ailleurs, le fait d’avoir moins d’activités physiques entraîne un affaiblissement des capacités musculaires. Comme les muscles sont essentiels à l’équilibration, le déconditionnement physique accentue les troubles de l’équilibre, et ainsi de suite2.

Que faire contre les troubles de l’équilibre ?

Il est possible de limiter les troubles de l’équilibre et les risques de chute grâce à deux types d’intervention : l’activité physique et la rééducation.
Jusqu’à présent, aucun traitement par médicament n’a montré d’efficacité contre les troubles de l’équilibre2.

L’activité physique

Contrairement à ce qui a été pendant très longtemps dit aux malades atteints d’une sclérose en plaques, la pratique régulière d’activités physiques leur est particulièrement recommandée. Les bénéfices sont en effet nombreux : amélioration des capacités cardio-respiratoires et du tonus musculaire, moindre ressenti de la fatigue liée à la maladie, meilleur contrôle du poids, atténuation des symptômes et des handicaps, amélioration de la qualité de vie dans son ensemble.

Il a ainsi été montré que le fait de pratiquer régulièrement des activités physiques peut conduire à une amélioration des troubles de l’équilibre, par rapport à la capacité à maintenir la posture, à se déplacer et à s’adapter à l’environnement. Cela permet également de réduire le risque de chute2.

« Il n’y a pas d’activité particulièrement recommandée, indique le Dr Regrain. L’idéal est de combiner des exercices aérobie (la marche, le vélo sur route ou d’appartement, par exemple) et les exercices de résistance (qui permettent de renforcer les muscles). Des activités comme le taî-chi, le yoga et les exercices en piscine sont recommandés en complément. » L’important est d’avoir une pratique régulière et dans la durée. Il est ainsi préférable de faire des exercices physiques trois fois par semaine pendant une demi-heure, plutôt qu’une heure une fois tous les quinze jours.

« Au départ, il est recommandé de faire appel à un éducateur sportif, de préférence spécialisé en activité physique adaptée (APA), conseille le Dr Regrain. Cela permet de pratiquer des exercices appropriés en fonction de son état général de santé et de ses capacités, tout en apprenant à réaliser correctement les exercices. Ceux-ci peuvent ensuite être pratiqués chez soi. »

Il est également possible d’utiliser des programmes d’exercices que l’on trouve sur internet ou qui sont pratiqués avec une console de jeux.

La rééducation

Lorsque les troubles de l’équilibre sont importants, il peut être envisagé, sur prescription médicale, de recourir à de la rééducation. Celle-ci est effectuée par un kinésithérapeute ou dans un service de médecine physique et réadaptation. Dans le second cas, elle peut être organisée en hospitalisation de jour (le patient vient la journée et rentre chez lui le soir) ou en hospitalisation complète.

La rééducation vise, à travers un programme d’exercices soigneusement choisis, à permettre de compenser des altérations, des déficits et des handicaps. Les activités ne concernent pas forcément directement les troubles de l’équilibre, mais tout ce qui peut les accentuer (des atteintes visuelles par exemple).

Les programmes de rééducation durent en général plusieurs semaines. Des études ont montré qu’ils permettent d’obtenir une bonne efficacité sur l’amélioration de l’équilibration et sur la prévention des chutes. « Mais la poursuite d’activités physique à l’issue du programme est ensuite indispensable pour que les bénéfices perdurent, prévient le Dr Regrain. Donc, dans toutes les situations, il est essentiel que les patients aient une pratique physique régulière. »

Sources bibliographiques

1. Dupui P. Bases neurophysiologiques du contrôle postural. Paillard T. Posture et équilibration humaine. De Boeck Supérieur, 2016.
2. Cameron MH, Nilsagard Y. Balance, gait, and falls in multiple sclerosis. Handb Clin Neurol. 2018;159:237-250. doi: 10.1016/B978-0-444-63916-5.00015-X.

Publié le : 27/05/2019

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